La mort ? Si on m’en avait parlé il y a quelques temps, j’aurais simplement avoué qu’elle me terrifiait. Mais aujourd’hui tout a changé, si je l’avais en face de moi en ce moment, je crois que je l’égorgerais, puis je l’écartèlerai et enfin je la brûlerai. La mort, elle est cruelle, horrible et immonde. Elle est présente à côté de nous à chaque instant, non évidemment qu’on ne s’en rend pas compte sinon c’est moins marrant pour elle quand elle nous tombe dessus sans prévenir. Elle est vicieuse, c’est moi qui vous le dis. Oh oui parfois elle donne des signes pour vous prévenir « Eh je suis là, attention prépare toi tu vas bientôt crever comme une pauvre victime pitoyable » mais ça c’est seulement parfois. Vous croyez vraiment que je serais assise ici, cachée dans la salle sur demande à cette heure-là sans pouvoir dormir si elle avait décidé d’être gentille et de prévenir pour pouvoir l’éviter ? Tu parles, elle doit bien se marrer, après tout une fille aussi pathétique que moi ça doit être hilarant à regarder. Mais si on y réfléchit bien, ce n’est pas la mort le plus horrible, c’est le manque qui s’installe après qui nous achève le plus. Regarder l’endroit où la personne devrait se trouver normalement et voir un vide, ou pire, une personne qui la remplace ; ça c’est horrible, ça vous détruit petit à petit, à vous rendre fou. Puis après viennent les regrets, on a jamais assez de temps pour faire tout ce qu’on aimerait avec la personne, c’est à ce moment-là que « profiter de l’instant présent » prend tout son sens. On regrette, et puis on s’en veut de ne pas avoir assez profité.

Perdre sa meilleure amie c’est comme perdre une amie mais en cent fois plus fort. Apprendre du jour au lendemain qu’on vient de perdre sa confidente, sa sœur, sa complice c’est comme se faire écraser par un bus cinquante fois d’affiler. Tout s’écroule autour de nous, à l’intérieur de nous aussi d’ailleurs. La sensation de tomber du quatre-centième étage d’un immeuble sans parachute n’est rien à côté de ça. Finalement, je crois que l’état dans lequel on se trouve après avoir appris cette nouvelle n’est même pas descriptible. Moi quand Lins me l’a appris j’ai tout d’abord cru à une très mauvaise blague de sa part. Puis après j’ai voulu tout casser autour de moi, mais pas en tapant dessus avec mon pauvre poing, j’avais envie de me jeter dessus pour ne pas penser, ne ressentir qu’une douleur infernale, j’ai même eu envie de me jeter par la fenêtre mais je n’ai rien fait de tout ça, appart créer encore plus de soucis aux gens ça n’aurait rien apporté du tout. Et enfin j’ai explosé en sanglot, je n’allais plus jamais pouvoir lui reparler, entendre sa voix, la prendre par la main pour la rassurer, la serrer dans mes bras, tout ça n’était plus que du passé. Ce moment où tu prends conscience que tout est finit est vraiment le plus destructeur. Aujourd’hui, il me détruit encore, les larmes ne cessent de couler sur mes joues dès que j’y repense, je revois Lins devant moi, plus pâle que jamais, prononcer les quelques mots qui ont bouleversé ma vie. Le pauvre Lins, ça devait être encore pire pour lui, il n’avait pas perdue une amie mais plutôt sa moitié, son double, sa vie. C’est pour cette raison que j’ai promis d’être toujours là pour lui, je ne pouvais pas le laisser tomber. Je crois que lui seul pouvait vraiment comprendre ce que je ressentais et c’est d’ailleurs pour ça qu’il est la seule personne avec qui je peux parler de ça, à quoi bon embêter les autres avec un décès qu’ils ne considèrent que comme un simple décès parmi tant d’autres ?

D’ailleurs en parlant de Lins, je l’attendais depuis maintenant une heure, il avait sûrement oublié notre rendez-vous. Je ne lui en voulais absolument pas, je savais qu’il n’allait pas bien du tout et puis de toute façon nous voir à une heure pareille ça servait à quoi à part déprimer encore plus ? Mais le truc, c’est que normalement il n’oubliait pas, il n’était pas du genre à oublier quelque chose et puis quand il oubliait, il s’en souvenait peu de temps après et se dépêchait d’arriver pour s’excuser. Je préférai donc attendre encore un peu, il allait peut-être arriver un peu plus tard. Je m’assis sur un fauteuil, pas très confortable d’ailleurs, pour l’attendre. Une seconde, dix secondes, une minute, cinq minutes, une demi-heure, une heure et toujours pas de Lins… Ça devenait un peu inquiétant… Oui d’accord, en ce moment je m’inquiétais beaucoup pour rien mais c’était Lins et avec ce qu’il venait de vivre, il était capable de tout. Et puis il s'isolait de plus en plus, nous n'avions pas vraiment eu le temps de parler tous les deux, j'avais pensé profiter de ce moment pour en parler un peu avec lui, ça m'aurait fait du bien, à lui aussi peut-être. Je me relevai et sortit de la salle à toute vitesse, mais où pouvait-il bien être ? Sa salle commune peut-être ? Je partis donc en courant dans la direction de la salle mais arrivée devant, je me rendis compte qu’il m’était impossible de rentrer et puis à cette heure, personne ne serait levé pour m’aider. Mais de toute façon, en ce moment il préférait s’isoler des autres, il n’était que très rarement dans son dortoir ou sa salle commune, il fréquentait de moins en moins de gens, ça aussi c’était inquiétant. Comment je pouvais le retrouver ? De l’aide, c’était ça qu’il me fallait. Mais d’habitude quand j’avais besoin d’aide, la personne que j’allais voir c’était Elisea… Elle était toujours là pour moi, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, je savais que je pouvais compter sur elle tout le temps, mais maintenant tout ça était finit… Non ce n’était pas le moment de recommencer à pleurer, j’essuyais les larmes qui coulaient sur mes joues rapidement avant de recommencer à marcher vers… ma salle commune. En ce moment, la seule personne qui m’aidait vraiment à part Lins, c’était Junho. Elle devait sûrement dormir mais avec un peu de chance, elle ne m’en voudrait pas de la réveiller. Je commençais à avoir de plus en plus peur pour Lins, c’était la première fois qu’il ne venait pas à un de nos rendez-vous sans me prévenir. J’avais peur qu’il ait eu une idée dangereuse pour lui, je ne savais pas jusqu’où il serait capable d’aller… Je rentrai dans la salle commune, elle était complètement vide, tant mieux. Je ne tenais pas à ce que quelqu’un me voit dans un tel état. J’essuyai à nouveau les larmes sur mes joues et me passa la main vite fait dans les cheveux pour remettre un peu d'ordre, je devais ressembler à une sorcière comme ça mais bon ce n’était pas très important en fait. Je me rendis ensuite dans le dortoir de Junho, nous n’étions pas dans le même, Elisea était dans le mien… Je pris le plus de précaution pour ne pas réveiller les autres filles de son dortoir et je me mis à côté de son lit. J’étais déjà venu quelques fois ici avec elle, je savais donc lequel était son lit. Je posai ma main sur son épaule, je serais incapable de vous dire si elle était déjà réveillée ou si je venais de la réveiller, mais je compris qu’elle me regardait. Elle devait se demander ce que je faisais là, à cette heure-là, elle devait me prendre pour une folle mais bon je n’étais plus à ça prêt. Je pleurais encore, en ce moment je pleurais tout le temps de toute façon. Je la serrai fort dans mes bras toujours sans parler. J’avais pris l’habitude d’agir sans parler avec Elisea, les paroles n’étaient que superflu entre nous, on n’avait pas besoin de ça pour se comprendre… J’avais fermé les yeux et je la serrai fort contre moi. Si j’étais à sa place, je crois que je serais partit en courant tellement tous ces gestes étaient incohérent mais c’était Junho, je pouvais me le permettre. Après quelques secondes, je me décidai enfin à m’expliquer, je lui chuchotai donc à l’oreille :

« Jun’… J’ai peur. J’ai peur pour Lins, on devait se voir, il n’est pas venu... Il a peut-être fait une bêtise… J’ai peur. »

Après avoir prononcé cette phrase avec difficulté, je ne bougeai plus, j’attendis une réaction de sa part. Pour être honnête j’étais seulement en train de réaliser que j’étais là, dans ses bras. Tout était allé tellement vite. Un moment de silence passa, je ne me rendis pas vraiment compte si ce moment durait des secondes, des minutes ou bien des heures et puis de toute façon ce n’était pas le plus important. Peut-être que c’était sa façon de me dire qu’elle préférait dormir plutôt que de m’aider. C’était possible, tout le monde voulait dormir à cette heure après tout, non ? Si c’était ça, je ne lui en voudrais pas évidemment, je pouvais totalement comprendre même si j’aurais préféré qu’elle se lève pour m’aider.

Elle s’éloigna un peu de moi, j’en profitai pour essuyer les larmes qui coulaient sur ma joue avec ma manche puis je regardai ce qu’elle faisait. Elle était sortie de son lit et avait pris son jean pour l’enfiler. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres, j’avais envie de la remercier mille fois mais l’endroit n’était pas le mieux pour faire cela. Il ne fallait absolument pas qu’une des filles du dortoir se réveille et voit Junho ici, ça aurait été une catastrophe. Je la laissai donc finir de s’habiller en silence. Elle prononça une phrase qui me fit plaisir, je ne savais pas vraiment ce qu’elle pensait, peut-être qu’elle se disait que j’étais vraiment un boulet et qu’elle n’avait pas le choix, mais l’important était qu’elle avait accepté.

Je la suivis donc hors des dortoirs. Je pensais qu’elle allait me parler ou me demander plus de détails lorsque nous serions dans la salle commune mais non, elle continua son chemin hors de la salle commune. Je la regardai marcher, sans un bruit, l’air de savoir ce qu’elle faisait. Moi je ne savais pas du tout, je me contentais de l’imiter, de rester à côté d’elle et dès qu’elle tournait à droite ou à gauche, je faisais la même chose.  Je réalisai que nous étions sorties du château lorsqu’elle me posa enfin une question. Je relevai la tête pour lui répondre. Mais je dû réfléchir un peu avant, je ne connaissais pas les lieux où il se rendait en ce moment. Les lieux qu’il fréquentait avec Elisea, je les connaissais par cœur, mais ceux de maintenant, je n’en avais aucune idée.

« Euh… je sais pas… peut-être à Pré-au-Lard, c’est pas trop loin et puis il y a bien un pub qui doit rester ouvert la nuit…»

Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas rendue à Pré-au-Lard, en tant que sang-mêlé, j’étais obligée de rester enfermée au château. Ça ne me dérangeait pas plus que ça, je ne sortais jamais seule et puisque je n’avais presque plus personne à mes côtés, je n’avais plus de raison de sortir. J’attendis de voir la réaction de Junho avant de me diriger vers le chemin pour qu’on se rende à Pré-au-Lard. Je ne savais pas si Jun’ voulait bien qu’on court mais moi je ne pouvais pas marcher doucement sans savoir si Lins allait bien ou s’il avait fait une bêtise. Sans lui demander, je me mis donc à courir le plus vite possible. Je regardai seulement devant moi, je ne fis même pas attention au fait de savoir si elle me suivait ou si elle avait préféré marcher.

Après un certain temps de course, je m’arrêtai enfin, très essoufflée. Nous étions, arrivées à Pré-au-Lard, je regardai autour de nous, il n’y avait personne. En temps normal, c’était la présence d’un mangemort ou d’un personnel de Poudlard qui m’aurait inquiété, mais là je voulais voir une personne, une seule, Lins. Je regardai Junho, je n’arrivai pas à comprendre ce qu’elle pensait, mais je n’avais pas le temps de deviner, ce n’était pas le moment de toute façon. Je me contentai de lui faire un bisou sur la joue pour la remercier, la remercier pour tout ce qu’elle faisait pour moi, la remercier d’être là n’importe où et n’importe quand, elle était vraiment géniale avec moi, je ne l’aurai échangé pour rien au monde. Après avoir regardé à nouveau autour de nous, je remarquai que seul de pub d’Abelforth était ouvert. Toujours sans un mot, je me mis donc courir dans sa direction. Je lançai un regard hésitant à Jun’ avant d’entrer, et s’il n’y était pas ? Et si en rentrant nous le découvrions parterre à moitié mort à cause d’une trop grande quantité d’alcool qu’il aurait pris ?

En rentrant, je ne mis pas longtemps à poser mes yeux sur lui, il était le seul présent. Je restai figée sur place un court instant, je ne réalisai pas vraiment que nous l’avions retrouvé, qu’il était là devant nous. Je ne devais pas ressembler à grand-chose, je devais avoir les yeux rouges et gonflés à cause des larmes, les cheveux encore plus en pagaille puisque nous avions couru et le teint blanchâtre tellement j’avais eu peur. Après un certain temps, je ne pus m’empêcher de courir jusqu’à lui et de le serrer dans mes bras, comme pour m’assurer qu’il était bien là, que je l’avais enfin retrouvé, que toute cette peur pouvait enfin être  terminée. Je sentis les larmes qui recommençaient à couler le long de mes joues, mais j’étais incapable de savoir si c’était des larmes de joie, de soulagement ou autre chose, j’étais incapable de réfléchir à quoi que ce soit de toute façon mais je ne pus m’empêcher de lâcher quelques paroles sans réaliser vraiment ce que je disais.

« Lins ! Si tu savais, j’ai eu tellement peur, peur qu’il te soit arrivé quelque chose, peur de plus te revoir. »

Le serrer dans mes bras était vraiment une sensation agréable, plus de soulagement qu’autre chose en fait. Il ne lui était rien arrivé, c’était tellement rassurant d’apprendre ça. Il ne s’en doutait sûrement pas mais je n’aurais pas supporté qu’il lui arrive quelque chose, après la mort d’Elisea, il était vraiment la seule personne qui devait comprendre ce que je ressentais, même s’il me l’avait jamais vraiment avoué. Il bégaya quelques mots en guise de réponse, il avait l’air plutôt chamboulé. En même temps il avait dû être très surpris en nous voyant débarquer, et encore plus quand je l’avais pris dans mes bras, le pauvre. Je ne repris même pas la parole pour répondre, je me contentai de le serrer un peu plus fort dans mes bras.

Après deux trois secondes, je lançai un regard vers Junho, qui se trouvait à côté de nous. Elle ne devait pas trop savoir quoi faire, elle attendait à côté comme une petite enfant sage à moitié endormie, ça aurait été drôle si l’heure et le contexte n’étaient pas les mêmes. Je décidai donc me relever pour pas la laisser toute seule, elle n’était pas venue pour rien quand même. Mais, dans la seconde qui suivit, je vis son poing se diriger à toute vitesse dans le visage de Lins. Je ne pus m’empêcher de retenir un petit cri de surprise et d’horreur que je me dépêchai d’étouffer avec mes mains, je ne voulais pas me faire remarquer à ce moment.

Lins s’était retrouvé par terre, il avait l’air bien sonné, le pauvre. Qu’est-ce qu’il lui avait pris ? Ce n’était pas le moment de régler leurs différends quand même. Je détestai qu’on frappe mes amis, et encore plus quand c’était une de mes amies qui le faisait. Voir des amis se battre était bien une des choses horribles que j’aurai adoré ne jamais voir, trop tard. Elle répliqua une phrase assez violemment mais elle n’avait pas tort pour le coup, elle avait même totalement raison, ce n’était pas avec l’alcool qu’on pouvait régler ses problèmes. Je regardai Lins se relever avec un peu de difficulté, il n’avait pas l’air d’avoir très bien vécu le choc. J’aurai bien aimé l’aider mais je n’aurai pas été d’une très grande utilité à vrai dire.

« Lins ? Ça va ? Tu veux pas te rasseoir tu serai mieux non ? »

Je me tournai ensuite vers Junho, qui n’avait pas bougé depuis son coup de poing. Je ne savais pas trop quoi lui dire, j’aurai dû la disputer parce qu’on ne doit pas taper les autres, même pour des bonnes raisons, la violence ne résout rien, c’est mal mais j’étais incapable de faire ça, je l’aimais trop pour lui reprocher quoi que ce soit, et puis elle allait m’en vouloir. J’aurai également dû lui dire que pour l’alcool elle avait raison, il faisait vraiment n’importe quoi mais j’étais également incapable d’enfoncer Lins encore plus, je tenais trop à lui pour lui faire du mal, il souffrait déjà assez comme ça. Je me mis devant elle et je la regardai tout en réfléchissant à ce que je pouvais bien lui dire.

« Junho… Doucement, il ne va pas bien le pauvre, fais lui pas de mal… S’il te plait. »

En réalité, j’avais peur, peur de la réaction de Junho, peur de celle de Lins, peur que ça dégénère, peur que ça se finisse en bagarre. Après tout, je ne connaissais pas les réactions de Lins quand il était bourré et celles de Junho quand elle n’avait presque pas dormi. J’avais vraiment envie que ça se passe bien entre eux.

Lins avait été gentil, il m’avait écouté et avait pris un tabouret pour s’asseoir. C’était plus prudent, je ne savais pas s’il avait bu beaucoup d’alcool mais à mon avis il n’en était pas à son premier verre. Un coup en pleine tête plus un peu d’alcool pouvait faire des dégâts, il valait mieux pour lui qu’il reste assis calmement.

Junho, elle, n’avait pas du tout était comme lui. On peut même dire qu’elle m’avait répondu assez froidement, voire méchamment. Elle ne m’avait jamais parlé comme ça, ça me faisait bizarre de la voir ainsi. C’était de ma faute si elle avait réagi comme ça, je le savais. Je l’avais réveillée en pleine nuit, je n’aurai pas dû, ce n’est pas bien de priver les gens de sommeil. Et puis je l’avais obligée à venir ici, elle ne voulait peut-être pas. Elle avait été tellement gentille avec moi, et moi pour la remercier je lui dis ce qu’elle doit faire. Je suis vraiment idiote. Je baissai la tête sentait mon visage devenir tout rouge avant de murmurer tout bas un petit « Désolée » sans savoir si elle allait l’entendre ou pas.

Quand je relevai doucement les yeux, elle s’était approchée de Lins. Elle s’était excusée, j’étais contente au fond de moi qu’elle ne cherche pas plus à lui tenir tête même si la cause était juste. Je ne voulais pas qu’ils se disputent trop, pas devant moi en tout cas. La réponse de Lins n’était ni très gentille ni très méchante, je ne savais pas trop comment il fallait voir la chose.

Après ce petit échange, un silence plutôt pesant s’installa. Je les regardai l’un après l’autre. Lins, Junho, Lins, Junho, Lins, Junho… Ils n’avaient pas l’air décidés à prendre la parole. Moi non plus d’ailleurs. Je ne savais pas quoi dire pour briser le silence, et puis de toute façon j’avais déjà fait assez de bêtises comme ça, il valait mieux que je me fasse oublier pour le reste de la soirée, je les avais déjà assez embêtés comme ça.

Quelques temps après, Lins repris la parole, il avait bien fait, le silence devenait beaucoup trop pesant et gênant à mon goût. Le problème, c’est qu’il en rajoutait une couche, à la place d’apaiser le conflit, il creusait encore plus le fossé qui se créait entre eux deux. Si on me demandait où je me trouvais moi là-dedans j’aurai répondu perdue en plein milieu du fossé, incapable de choisir de quel côté je devais remonter. Et puis de toute façon je ne voulais pas choisir, c’était impossible.

Lins essayait sûrement de changer de sujet en nous demandant ce qu’on voulait boire. C’était adorable de sa part mais je crois qu’au fond aucun d’entre nous n’était capable de faire comme si rien ne venait de se passer. Je m’assis à côté de lui sans faire de bruit.

« Euh… rien pour moi, merci. »

Je repensais à tout ce qui venait de se passer, c’était vraiment horrible. Lins qui boit, Junho qui le frappe. Cette scène ne se serait pas passée si je ne l’avais pas forcée à venir, c’était de ma faute. Je devais essayer d’arranger ça.

« Dites, vous êtes toujours amis hein ? »

C’était la première question qui m’était passée par la tête, elle était peut-être nulle mais après tout j’avais besoin de savoir. S’ils n’étaient plus amis et que j’avais forcé Junho à venir ici, je venais de faire une grosse bêtise, les obliger à se parler n’était pas la meilleure solution. J’espérais tellement que tout ça ne soit pas vrais, qu’ils s’entendent encore à merveille…

Junho ne me répondis même pas. Elle devait vraiment m’en vouloir. Normalement, elle ne m’aurait pas ignorée comme ça, enfin je crois. Je m’en voulais de m’être conduite ainsi avec elle, j’avais fait n’importe quoi et maintenant elle m’en voulait. Je le méritais de toute façon, elle avait raison de m’en vouloir, c’était de ma faute. Lins, lui, ne devait pas m’en vouloir puisqu’il m’avait répondu. Même si sa réponse n’était pas du tout rassurante, il l’avait fait, ça me faisait plaisir qu’il ne m’ignore pas. Evidemment, j’aurai largement préféré entendre un simple oui mais en même temps, il n’allait pas me mentir. Et puis, j’essayais de me rassurer en me disant qu’il n’avait pas dit « non » non plus. Je tentai de lui adresser un petit sourire même si je ne savais pas trop si ça ressemblait vraiment à un sourire.

Il enchaîna sur une autre phrase, qui me glaça presque le sang. Si ça partait mal ? En fait, ça n’allait pas du tout, vraiment pas du tout. S’il me disait ça il y avait bien une raison. Il était hors de question que je parte, je n’avais aucune envie de les laisser tous les deux pour qu’ils s’entretuent. J’aurais bien aimé lui répondre que non, je resterai ici quoi qu’il arrive mais impossible de sortir un son, la peur avait pris le dessus. Je me contentai donc un hochement de tête de gauche à droite.

Ce qui suivit n’arrangea rien, Junho s’approcha de Lins pour le refrapper à nouveau. Par reflexe je fermai les yeux. Mais qu’est-ce qui lui arrivai ? Je ne la reconnaissais plus, elle qui était tellement gentille avec moi d’habitude, à qui je pouvais tout dire sans avoir peur du jugement. J’avais peur de rouvrir les yeux, peur de les voir se battre, peur de ne pas être capable de les calmer, peur de ce qu’il allait arriver. J’entendis Junho lui dire quelque chose, elle n’était pas trop violente mais je doutais que ça ne suffise pas pour énerver Lins. J’avais envie de pleurer mais je ne devais pas, je devais tout faire pour ne pas me mettre dans leur pattes, je ne devais pas les déranger, déjà que Junho m’en voulait, alors si en plus elle se défoulait sur moi aussi…

C’est lorsque j’entendis un bruit de bouteille s’exploser en mille morceaux que mes yeux se rouvrirent par réflexe. Je restai figée lorsque je vis dans quel état était Lins, il était tout rouge et il tremblait. Si je ne le connaissais pas, il me ferait peur. Il s’était mis à hurler. J’avais envie de me lever et de m’approcher plus de lui pour le calmer, lui dire que ce n’était pas grave, que ça allait s’arranger mais dès que j’essayai de me relever, je retombai sur le tabouret, mes jambes étaient elles aussi pétrifiées par la peur. Sans que je m’en rende compte, les larmes commençaient à couler le long de mes joues, j’aurai tout donné à ce moment pour passer totalement inaperçue.

Je suppliai Junho du regard pour qu’elle essaye de calmer le jeu, je ne savais même pas si elle allait comprendre, et puis elle m’en voulait, pourquoi elle m’écouterait ? J’essuyai mes larmes avec ma manche et essayai de reprendre le dessus sur moi. Je me remis donc debout, et ne sachant pas de quel côté m’approcher, je me mis au milieu des deux. Je tournai vers Junho, puis vers Lins. Ne sachant pas quoi dire, je les regardai l’un après l’autre en espérant qu’ils comprennent que j’aurai adoré qu’ils ne continuent pas.

Me mettre entre les deux n’étaient peut-être pas une bonne idée, je ne savais pas trop mais de toute façon c’était trop tard, c’était fait. Après tout, s’ils avaient vraiment envie de se taper dessus ce n’était pas une débile rousse qui se plantait au milieu qui allait les arrêter.

Junho venait de parler d’Elisea, elle avait osé. Se retenir d’exploser en sanglots était maintenant impossible, j’essayai de faire le moins de bruit possible, je ne voulais pas reporter l’attention sur moi, ils étaient bien trop occupés. Je revoyais l’image d’Elisea, souriante, dans les bras de son Linsou adoré, ils étaient tellement mignons tous les deux. Elle me le répétait souvent, c’était vraiment le garçon qu’il lui fallait. Ce temps me manquait terriblement, elle me manquait. Junho avait raison elle était morte, elle ne reviendrait pas… mais ce n’était pas une raison pour nous le rappeler de cette manière. C’était comme si elle avait enfoncé encore plus le couteau dans notre cœur. Ce n’était peut-être pas l’effet souhaité mais c’était celui qu’elle avait obtenu en tout cas.

Je vis Lins se diriger vers elle à tout vitesse et lorsque je pris conscience de ce qu’il se passait, il l’a tenait en l’air par le col. Il était devenu fou. Qu’est-ce qui leur prenait ? Je m’avançai vers eux pour essayer de calmer Lins, s’il en avait vraiment eu envie, il aurait pu la balancer par terre. Elle aurait pu faire une chute violente et peut-être même se briser le crâne sur le sol. J’avais vraiment peur de ce qu’il était capable de faire, en fait, Lins commençait à me faire peur. Je voulais dire quelque chose pour le calmer mais en réalité j’avais peur qu’il s’en prenne à moi aussi, j’avais peur qu’après lui faire du mal à elle, il m’en fasse à moi. Je ne le reconnaissais plus.

Après lui avoir hurlé dessus, il la reposa par terre. Je m’approchai donc d’elle pour voir si tout allait bien, même si elle devait toujours m’en vouloir, je ne pouvais pas la laisser comme ça sans savoir. Je me contentai de la regarder, sans rajouter un mot, je ne voulais pas être un boulet pour elle, je l’avais déjà suffisamment été. En apparence elle avait l’air de ne pas trop mal le vivre, ça me rassura un peu, elle tenait le coup. En même temps, Junho n’était pas comme moi, la plupart la prenait pour un homme, elle avait appris à subir des chocs, à ne rien montrer, moi je ne savais pas faire tout ça.

Le bruit de chaises et tables qui s’explosaient un peu partout me fit sursauter, je manquai de faire une crise cardiaque. Lorsque je vis Lins, il me fit vraiment très peur, on aurait dit un fou furieux. Il ne devait plus être lui dans son corps, un monstre avait possession de lui, ce n’était pas possible qu’il fasse tout ça consciemment, ça ne lui ressemblait pas. Quelqu’un de normal lui aurait sauté dessus pour l’arrêter, lui faire prendre conscience de ce qu’il faisait. Mais honnêtement celle de nous deux qui avait le plus de chance de l’arrêter n’était pas moi et elle n’avait franchement pas envie de ça à mon avis. Je suppliai Junho du regard pour qu’elle fasse quelque chose et la seule chose qu’elle trouva à faire était de l’enfoncer encore plus. Evidemment, Lins n’avait aucunement envie de rester plus longtemps avec nous, ça se voyait. Même s’il ne me parlait pas à moi, qu’il ne me regardait pas, qu’il m’ignorait totalement, je savais qu’au fond il avait envie que je le laisse tranquille moi aussi.

Mais il était hors de question pour moi de le laisser ainsi, hors de question qu’ils restent fâchés. Ils étaient tous les deux mes amis et les voir se déchirer comme ça faisait plus de mal qu’autre chose. Je me précipitai vers Lins pour le serrer très très fort dans mes bras maintenant qu’il s’était arrêté. Il me faisait toujours un peu peur mais c’était Lins, mon ami. Je ne savais pas trop pourquoi j’avais fait ça mais bon tant pis c’était fait.

« Je t’en supplie Lins, ne lui fait pas de mal, ne te fais pas de mal non plus. S’il te plait Lins, vous êtes amis… »

Quelle idée avais-je eu de vouloir le retrouver avec l’aide de Junho, la meilleure solution aurait été de le laisser tranquille, seul, s’il avait voulu s’isoler il y avait bien une raison. Et moi évidemment la seule chose que je trouvai à faire c’est de venir l’embêter et de le mettre dans un état plutôt… Enfin de toute façon ce qui était fait était fait et on ne pouvait pas revenir en arrière… je crois. Ce qui aurait été bien c’est de trouver quelque chose pour le calmer, qu’il revienne à la réalité. Parce que oui, il ne pouvait pas être dans son état normal, c’était impossible, il n’était pas vraiment comme ça… Mais trouver cette chose était bien compliquée, il était bien trop.. puissant face à nous, il me faisait peur…

Junho c’était excusée, elle baissait les bras, elle voulait partir. Je la regardai sans bouger, elle se dirigeait vers la porte. Je ne pouvais pas la laisser partir toute seule après tout ce qu’elle avait fait pour moi, elle ne méritait pas ça. Et puis, elle n’avait même pas à s’excuser elle ne m’avait rien fait, elle avait juste essayé de nous aider, Lins et moi. Parce que oui, elle avait malgré tout essayé de faire prendre conscience à Lins que tout ce qu’il faisait ne la ferait pas revenir… ça aurait été trop beau bien sûr. Elle me manquait énormément à moi aussi, je le comprenais évidemment, mais il dépassait vraiment les limites… Je n’essayai donc pas de retenir Junho ça ne servait plus à rien, elle avait fait tout son possible et ça n’avait pas marché… tant pis.

La réaction de Lins me fit, encore une fois, sursauter. Il était violent quand il parlait, ce n’était pas rassurant du tout. A cet instant, ma seule envie c’était de me jeter dans les bras de Junho et de repartir avec elle… Mais était-il très sage de le laisser tout seul encore une fois ? Je ne savais pas… Après un autre bruit, je regardai dans sa direction, il était parterre en train de pleurer. J’eus un déchirement au cœur de le voir comme ça, il changeait de comportement d’une seconde à l’autre… Il était possible que ce soit une réaction dû à l’alcool non ? Il devenait peut-être fou… Non Lins ne pouvait pas être fou, ce n’était pas possible, pas lui.

Je regardai Junho vers la porte puis Lins, puis Junho et enfin Lins. Je ne savais pas qui choisir, j’avais peur que mon choix pour l’un rende l’autre en colère contre moi, je ne voulais pas me disputer avec eux. Mais en réfléchissant un peu, Junho était venue pour moi, elle aurait sûrement préféré dormir, je ne pouvais pas faire comme si c’était normal, je n’étais pas sûre qu’elle le fasse pour tout le monde… Et puis Lins, il devenait vraiment terrifiant, si je restais toute seule avec lui et qu’il refaisait une crise, il aurait était capable de s’en prendre à moi non ? Et comment j’allais faire pour me défendre face à lui moi ? Ça allait être beaucoup trop compliqué.

Mais malgré tout, je ne pouvais pas partir comme ça sans rien dire, sans rien faire, ça me faisait mal pour lui, il me faisait peur mais il me rendait triste aussi, il ne méritait pas tout ça… Je m’approchai donc de lui, je n’osai pas le prendre dans mes bras, c’était une réaction très débile je sais mais j’avais peur de sa réaction, peur que ça ne se passe pas comme je l’aurais voulu… Je me contentai donc de lui faire un rapide bisou sur le front avant de me reculer un peu.

« Je suis vraiment désolée Lins… Prends soin de toi… »

Je lui adressai un sourire timide avant de lui tourner le dos et de rejoindre Junho. Je ne lui adressai pas la parole, je ne savais pas vraiment quoi lui dire, je me contentai de sortir du pub à ses côtés en silence. Je ne savais pas vraiment si je devais lui dire merci ou m’excuser ou faire les deux peut-être ? Dans le doute, je me contentai de lui adresser un léger sourire en espérant qu’elle comprenne ce qu’elle devait comprendre.