J’étais occupé travailler à l’infirmerie, comme d’habitude. De nombreux élèves s’étaient blessés récemment, sans doute une nouvelle fantaisie de la part de l’un de mes collègues ou des mangemorts qui trainaient aux alentours de la ville. Je savais que les gens étaient violents avec les élèves sans raison aucune et, pour cela, je m’en voulais un peu de n’être toujours pas capable d’utiliser une baguette. Ainsi, j’avais passé ma matinée entière à guérir des blessures graves et moins graves, sachant parfaitement que personne ne pourrait le faire à ma place.

Mes pensées, même si je tentais de me concentrer sur mon travail, étaient toutes tournées vers Junho. Je n’arrêtais pas de songer à elle et au moment que nous avions passés ensemble quelques jours plus tôt, à ce moment où je m’étais endormi contre elle sans être réveillé et, au final, je me rendais compte que j’étais réellement heureux de l’avoir comme petite amie, même si cette relation devait rester secrète aux yeux des autres personnes qui nous entouraient.

Je tentais de rester concentré, de ne plus penser à autre chose que mon travail tandis que je pansais les plaies des élèves qui se succédaient malheureusement. Quelques heures plus tard, le calme était enfin revenu et plus personne n’entrait dans l’infirmerie. Comme à mon habitude, je commençai à faire un peu de rangement car j’avais du déplacer beaucoup de matériel pour guérir les plaies de mes patients. J’étais réellement fier d’être venu à bout de tout ce travail. Une fois mon rangement terminé, j’allai donc me laver les mains au petit lavabo qui se situait dans la salle à l’arrière de l’infirmerie.

Je souris un peu pour moi-même alors que je me lavais les mains, me demandant si la jeune femme de mes songes se portait bien et, presque au même moment, un bruit résonna dans l’infirmerie. Quelqu’un venait de frapper à la porte. J’essuyai donc mes mains et, alors que je m’approchais de l’entrée pour voir qui prenait la peine de frapper avant d’entrer dans un tel lieu, je vis Junho débouler dans la pièce et je l’observai en souriant quelques secondes, jusqu’au moment où je me rendis compte qu’elle avait l’air plutôt inquiète.

Lorsque j’entendis ses mots, mes sourcils se froncèrent légèrement. Qu’avait-elle fait au juste ? Je m’attendais à beaucoup de choses la connaissant, avoir fait tomber quelqu’un, être tombée et s’être blessée, bref, beaucoup de choses étaient possibles. Pour cette raison, je m’adressai à elle afin de poser la question par laquelle j’aurais le plus de chance d’avoir la réponse aux miennes.

« Qu’est-ce que tu as fait exactement ? » Avais-je demandé tout en la prenant délicatement par le poignet pour l’emmener s’asseoir sur une chaise qui trainait non loin de là.

J’espérais qu’elle n’avait pas fait quelque chose de grave… En tout cas, elle n’avait pas l’air mal en point, mais peut-être n’était ce qu’une impression ? Je me contentai donc de l’observer pendant quelques secondes.

Je m’inquiétais réellement pour Junho, même si je ne savais pas ce qu’elle avait fait exactement. Tout ce que je pouvais faire, c’était attendre sa réponse en la regardant comme si les choses allaient s’expliquer d’elle-même. Je fermai les yeux pendant quelques secondes après avoir posé ma question et, comme je l’avais fait asseoir non loin de moi, je croisai les bras sur mon torse en la regardant, attendant une réponse sincère car j’avais peur qu’elle se soit fait du mal stupidement. Je voulais juste savoir ce qu’elle avait, simplement par peur de la voir s’évanouir d’un coup sans que je puisse l’avoir prévu.

« Une potion ? Quel genre de potion ? Tu l’as bue ? » M’étais-je inquiété alors qu’elle m’annonçait avoir fait une potion seule.

Si c’était le cas, j’allais vraiment me faire un sang d’encre. J’étais réellement inquiet à l’idée qu’elle se soit empoisonnée avec sa préparation désormais… Je ne savais pas quel niveau elle possédait en potion, mais étant donné que c’était ce qu’elle étudiait quelques jours plus tôt, je n’arrivais pas à faire confiance à ses compétences… d’autant plus qu’elle ne s’était pas montrée réellement motivée dans son étude.

Alors que j’attendais une réponse à ma question, Junho se leva et s’approcha de moi, posant une main sur ma taille en venant me parler à l’oreille. Que faisait-elle ? Je n’en avais aucune idée, mais j’étais légèrement surpris d’un tel comportement de sa part. N’était-il pas un peu dangereux d’agir ainsi alors que nous étions à l’infirmerie et que nous n’étions pas censés nous afficher en public de cette manière ? Quoiqu’il en soit, j’aurais très bien pu dire que cela n’était rien puisqu’elle ne faisait que me murmurer quelque chose à l’oreille, mais cela restait assez intriguant comme comportement… surtout venant d’elle.

Quelques secondes après son geste, je la reculai très légèrement de moi, la regardant dans les yeux pour essayer de voir si quelque chose avait changé.

« Junho, quelle potion tu as fait, au juste ? » Avais-je demandé sans la quitter des yeux, cherchant à apercevoir quelque chose qui aurait pu m’indiquer la solution à cette énigme.

Quelque chose attira en effet mon attention. Ma petite amie affichait effectivement quelque chose de différent de d’habitude, à savoir ses pupilles qui étaient un peu plus dilatées qu’elles n’auraient du l’être… Est-ce que c’était un effet de la potion qu’elle avait prise ? Si c’était bel et bien le cas, j’osais espérer qu’elle n’avait pas réellement pris ce que j’imaginais, sans quoi nous risquions de nous retrouver dans une situation assez gênante.

« Tu peux me montrer la recette ? » Demandais-je soudainement à ma petite amie, essayant de m’éloigner un peu sans avoir l’air de la fuir car j’étais toujours trop peu sûr de ce qu’elle avait pu prendre comme potion.

Plus le temps passait, plus je commençais à m’inquiéter de ce que Junho avait pu boire… Se rendait-elle compte qu’elle aurait pu s’empoisonner avec une potion ratée. Bref, je devais me calmer et arrêter de paniquer pour rien alors qu’elle semblait simplement un peu différente de son état normal. En fait, je n’étais pas habitué à la voir si … tactile ? Bon, c’était peut-être simplement parce que je lui avais manqué ? Non, ce n’était définitivement pas cela, du moins pas à mes yeux… C’était différent de cela et j’aurais mis ma main à couper que c’était à cause de la potion qu’elle avait ingurgitée. Peut-être était-ce simplement quelque chose d’hallucinogène ou de nocif pour sa santé… le plus simple était peut-être de lui faire boire un antidote qui remédiait à beaucoup de sortes de poison, avec un peu de chance cela suffirait amplement à la faire retomber dans son état normal.

Dans tous les cas, je devais bien avouer que j’étais surpris d’un tel comportement de la part de ma petite amie. Non, je n’allais pas dire que la sentir un peu plus proche de moi me dérangeait, même si je n’étais pas réellement habitué à ce genre de chose à cause de mon éducation typiquement japonaise, je devais bien avouer que j’étais heureux qu’elle s’approche un peu plus de moi qu’à l’habitude… Mais d’un autre côté, j’étais également bien embêté à l’idée qu’elle s’évanouisse soudainement à cause de ce qu’elle avait pris, même si mes idées sur cette potion commençaient à se préciser petit à petit… Rien qu’au vu de son comportement. Après tout, ne venait-elle pas de m’affirmer qu’elle ne voulait pas aller chercher son livre car cela l’aurait éloigné de moi ? En plus de cela, elle m’avait suivi tandis que j’allais vers l’armoire pour vérifier que je disposais bien de l’antidote nécessaire pour la soigner.

Alors que j’ouvrais l’armoire pour en scruter le contenu, Junho avait saisi ma main, me contraignant du même coup à chercher à une seule main parmi les nombreuses fioles que nous possédions… Quelle épreuve était-ce là. Je retins un soupir, me disant simplement qu’elle aurait du être plus prudente en essayant de faire une préparation, surtout que j’étais maintenant incapable de savoir ce qu’elle avait mis dans cette potion, de même que les proportions et les choses qui auraient risqué de la rendre malade. C’était génial, j’étais livré à moi-même et obligé de réfléchir à une chose dont je ne savais rien… C’était inquiétant en fait, bien plus inquiétant qu’énervant.

C’est au moment où je trouvai enfin la fiole que j’avais cherchée que Junho choisissait de me prendre contre elle pour caler sa tête dans mon cou. Je fermai les yeux, poussant un petit soupir qui tenait bien plus de l’aise que de l’exaspération, car il aurait été mentir d’affirmer que je n’étais pas heureux de l’avoir contre moi de cette manière. Je gardai les yeux fermés quelques secondes et, revenant à la réalité de la situation, j’adressai la parole à ma petite amie ne lui présentant la fiole que j’avais prise quelques secondes plus tôt.

« Tiens, bois ça. C’est un antipoison, on ne sait jamais. » Lui dis-je sans attendre.

Si je m’étais éloigné d’elle, c’était avant tout pour son bien. Peut-être que c’était un poison qui la faisait délirer, peut-être que mon diagnostic était erroné et qu’elle allait tomber d’une minute à l’autre, raide morte, tout ça parce que je ne l’avais pas soignée correctement. J’étais réellement inquiété par la situation, cela même si elle ne le remarquait peut-être pas vraiment…

Ne sachant pas ce qu’avais ingurgité Junho, j’étais bien obligé de réfléchir par rapport aux symptômes qu’elle affichait alors. Malheureusement, ma seule hypothèse plausible en cet instant était le philtre d’amour si, par hasard, ces élans d’affectivité soudains étaient le fruit de cette potion qu’elle avait préparée. Ma question première était la suivante : pour quelles raisons avait-elle préparé un tel breuvage ? J’étais réellement curieux d’avoir sa réponse, d’autant plus qu’elle m’avait comme petit ami… Peut-être qu’elle ne m’aimait déjà plus assez ? Je fermai les yeux, secouant la tête pour effacer cette pensée débile de mon esprit et, quelques instants plus tard, je me rabattais sur une hypothèse plus sérieuse ; vu sa maladresse, elle s’était peut-être tout simplement trompée de recette, cela n’était-il pas possible ? Dans tous les cas, j’ignorais ce qu’elle allait faire… Si jamais l’antipoison n’avait aucun effet, j’aurais ma réponse.

Pour cette raison, je lui avais tendu la fiole dans l’espoir qu’elle la boive et, ceci fait, elle l’avait regardée. J’avais un peu peur qu’elle refuse de prendre cette boisson mais, dans le fond, c’était réellement important à mes yeux, car cela me rassurerait… Si ce qu’elle avait fait était un poison, ou contenait un poison, il n’y aurait plus aucun problème au niveau de celui-ci… Je croisais les doigts pour que Junho retrouve son état normal d’ici peu, car j’ignorais totalement combien de temps son philtre allait faire effet, si c’en était un, et aussi ce qui risquait d’arriver si celui-ci était aussi puissant qu’il en avait l’air.

Quelques minutes plus tard, malheureusement, je pus constater que rien n’avait changé au niveau de Junho. Elle était toujours aussi tactile et proche de moi qu’un peu plus tôt… Ce n’était donc pas un poison et mon hypothèse principale était en train de se confirmer. Je n’avais d’ailleurs pas réellement d’idée de la manière dont j’allais pouvoir la contrôler, n’ayant jusqu’à maintenant jamais du faire face à une personne sous l’effet d’un philtre d’amour… J’essayais donc de réfléchir calmement, sans paniquer d’aucune façon que ça soit, jusqu’au moment où Junho s’approchait à nouveau de moi pour m’embrasser. J’avais alors fermé les yeux, profitant malgré tout du contact qu’elle m’offrait là, mais il était clair qu’elle n’aurait pas agi ainsi dans son état normal… Je finis par l’éloigner un peu de moi : je venais de trouver une solution un tant soit peu plus intelligente que lui faire boire mille et un antidote sans effet.

Je m’éloignai d’elle, me rendant jusqu’à la porte que je verrouillai avant de ranger la clé dans un endroit sûr. Il ne fallait pas qu’elle quitte ces lieux dans un tel état. S’il le fallait j’allais attendre ici qu’elle se calme un peu, car je ne voulais en aucun cas qu’elle aille faire à d’autres personnes ce qu’elle était en train de faire actuellement… Non, ce n’était pas bien grave, c’étaient simplement des étreintes et un baiser, mais pour moi c’était réellement important car, quelque part, j’étais jaloux et je ne le savais que trop bien. Ainsi, j’étais revenu à sa hauteur avant de la tirer à nouveau vers la chaise pour la faire asseoir - la faire asseoir sur un lit aurait été… un tantinet trop dangereux. Je lui adressai finalement la parole, les bras croisés sur mon torse.

« Bien, on va attendre que les effets passent. Je pense que tu as fabriqué un philtre d’amour, peut-être par accident, mais les faits sont là… » Avais-le annoncé d’une voix aussi calme que possible.

J’espérais que les effets allaient rapidement se dissiper… Ou du moins pas continuer leur route, car les choses risquaient de s’emballer… et moi de ne pas réellement savoir comment réagir si jamais c’était le cas.

Je savais qu’enfermer Junho dans l’infirmerie n’était pas la meilleure solution pour elle, elle aurait sans doute préféré aller se promener dans les couloirs de l’école et voir ses camarades… quoique, je n’en savais rien, mais il était clair que je ne pouvais pas le permettre au vu de la situation. Elle était bien trop tactile, bien trop gentille… Certes, cela se limitait peut-être à moi, mais j’ignorais totalement si c’était le cas ou pas alors, par mesure de prudence, et par pure jalousie, j’avais souhaité limiter les dégâts et l’empêcher d’aller embrasser d’autres personnes dans le couloir, comme elle l’avait fait avec moi… Je savais que cela m’aurait fait beaucoup de mal.

Lorsque j’étais revenu auprès d’elle après avoir fermé la porte, ma petite amie m’avait annoncé que nous étions enfermés tous les deux…Décidément, cette potion lui faisait dire des choses très peu logiques… ou plutôt la rendait incroyablement perspicace ? Je n’en savais rien, dans les deux cas, faire la constatation d’une chose que j’avais provoquée par moi-même n’était pas très utile en soi. J’avais donc simplement sourit, quelques secondes avant de reprendre mon air sérieux pour lui annoncer ce que j’avais cru comprendre à force de voir le temps passer dans cette infirmerie… Quelle idée d’aller boire une telle potion soi-même…

« Tu as peut-être tourné la page par accident, avait-il répondu à l’affirmation de la jeune femme, ou alors tu as simplement lu la mauvaise page, ça arrive à tout le monde… Et puis pourquoi tu … »

Je m’étais arrêté avant la fin de ma question. Je n’allais pas lui demander maintenant pour quelles raisons elle avait décidé de préparer une potion pour l’intelligence, car j’aurais eu de fortes chances de m’énerver. Elle aurait sans doute dit des choses mauvaises envers elle-même et, étant déjà assez embêtée par la situation actuelle, elle n’aurait peut-être pas pu réfléchir correctement. C’est donc par acquis de conscience que j’avais préféré d’éviter de lui parler de ce sujet assez stupide quand on y pensait bien.

Je détournai alors le regard, le posant sur la fenêtre qui se trouvait non loin de nous, et je réfléchis une nouvelle fois à une solution utile et efficace pour l’empêcher de souffrir de trop des effets de la potion. Certes, les philtres d’amour n’étaient pas forcément néfastes, mais ils plaçaient parfois les gens dans une situation d’embarras qui restait en mémoire, cela même après que les effets aient totalement disparu. J’avais donc poussé un petit soupir, tournant à nouveau les yeux vers Junho qui désormais me regardait et, me demandant pourquoi elle me disait soudainement qu’elle avait chaud, je remarquai qu’elle était occupée à déboutonner sa chemise.

Mes yeux se firent soudainement plus ronds que jamais alors que je m’approchais d’elle pour poser mes mains sur les siennes, les détachant délicatement des boutons de sa chemise que je refermais un peu tout en plongeant mon regard dans le sien. Je m’adressai à elle d’une voix assez gênée sans quitter son regard.

« Je pense qu’il vaut mieux que tu la laisses fermée, d’accord ? On peut ouvrir la fenêtre si tu veux, ça sera peut-être plus efficace.» Avais-je déclaré sans cesser de la regarder.

Je m’étais donc approché de la fenêtre pour l’ouvrir un peu, même si je savais parfaitement que cela ne changerait rien à la situation actuelle étant donné que la chaleur qu’elle ressentait venait certainement de l’intérieur… C’était l’un des effets de la potion… c’était normal étant donné que les sentiments provoquent souvent ce genre de choses… Mais c’était incroyablement gênant pour moi.

Finalement, je l’avais observée pendant plusieurs secondes, sans cesser de réfléchir à une manière de la calmer et, au bout d’un moment, la manière la plus simple de l’empêcher de dériver sembla s’imposer à moi : peut-être qu’il fallait simplement que je lui donne ce contact qu’elle semblait rechercher ? Je n’en savais rien… Mais dans tous les cas si cela pouvait permettre de l’empêcher d’aller trop loin dans ses gestes le temps que la potion se dissipe. Certes, serait bien moins courts que les effets… mais peut-être cela permettrait-il de la calmer quelques minutes…

Je m’étais donc approché d’elle et, après m’être placé à sa hauteur, j’avais posé mes lèvres sur les siennes tout en caressant sa nuque d’une main. Je savais que j’avais tort de faire ça et que quiconque serait passé par là aurait pu me juger pour cet acte, mais je préférais mille fois agir ainsi maintenant que la laisser tenter des choses bien pires avec moi. Certes, je n’avais rien fait à ce niveau et j’y songeais parfois, mais ce n’était pas une raison valable pour sauter sur une occasion aussi mauvaise. Junho n’était pas dans son état normal à cause du philtre et en profiter aurait été réellement… dégoûtant de ma part ? Je n’étais avec elle que depuis quelques jours et je ne pouvais pas me permettre une telle chose. Je fis donc durer le baiser pendant quelques secondes avant de tenter de l’approfondir quelque peu. Si cela me permettait de la calmer un peu, alors autant tenter de le faire.

Je n’avais pas d’autre choix que celui d’essayer de limiter les dégâts maintenant que nous étions tous les deux enfermés dans l’infirmerie. Je devais essayer de trouver un moyen de l’occuper de manière à ce que les effets de la potion soient moins forts à ses yeux et qu’elle ne me saute pas dessus comme j’avais pu croire qu’elle le ferait un peu plus tôt, vu la manière dont elle avait été tactile et proche de moi. Tout ce que j’avais trouvé, c’était le baiser que j’avais initié quelques instants plus tard… Je n’avais pas vraiment l’impression que cela serait utile, mais j’avais envie de l’aider à se sortir de ce mauvais pas qui, bien que peu grave, aurait pu lui attirer des soucis bien plus importants si elle était venue à embrasser la mauvaise personne au mauvais moment. Cette simple idée me hérissait le poil.

Si je devais bien avouer une chose, c’est que j’étais protecteur envers elle, du moins c’était l’impression que j’avais quand je pensais à tout ce que je tentais de faire pour l’aider. Je voulais lui éviter des ennuis, la protéger et lui faire comprendre à quel point je l’aimais, mais cela pouvait se traduire par une jalousie légèrement excessive aux yeux des autres… Personne n’était au courant de cette relation qui existait entre nous, mais j’étais persuadé que j’aurais pu avoir de nombreux commentaires sur la manière dont je me comportais envers Junho… mais n’était-ce pas la première fois que j’éprouvais de l’amour pour quelqu’un et que celui-ci était avoué et réciproque ? Mes erreurs pouvaient donc m’être partiellement pardonnées.

Quelques secondes après le début du baiser, j’avais tenté de l’approfondir. Je me sentis d’ailleurs rougir, sensible comme je l’étais, car je réalisais à quel point j’étais stupide… je me sentais profiteur à cause de l’état dans lequel Junho était, mais j’agissais ainsi en pensant sérieusement l’aider… J’ignorais totalement à quel endroit me placer dans cette histoire et, pour cette raison précise, j’avais gardé les yeux fermés pour prolonger encore un peu le baiser que nous partagions. Je n’avais pris aucune philtre de mon côté et, pourtant, je réalisais à quel point je l’aimais désormais. Elle avait longtemps été l’élève que j’aimais fréquenter lorsque je sortais de l’école, mais désormais elle était devenue ma petite amie… et je ne comptais pas la laisser tomber avant longtemps.

Oui, j’étais timide, oui, j’étais embarrassé par la situation malgré les sentiments que j’avais envers elle car, je le savais, de nouveaux allaient naître, moins innocents que ceux qui existaient déjà actuellement et… j’avais un peu peur que ceux-ci soient déjà présents, même si je tentais de les refouler au plus profond de moi. C’était gênant, intimidante et, dans tous les cas, cela m’empêchait d’agir comme je l’aurais souhaité avec ma petite amie, de peur d’aller trop loin avec elle car, dans le fond, elle n’avait pas encore 17 ans.

Je l’avais donc laissé faire, la laissant se serrer contre moi tendis que nous prolongions encore ce baiser que j’avais initié. J’étais heureux, franchement, mais je ne pouvais cesser de me questionner sur ce que je faisais … j’avais peur qu’elle m’en veuille au bout du compte, car j’agissais d’une manière assez inattendue à cause d’elle, même si c’était avant tout pour la protéger. J’avais gardé les yeux fermés durant quelques secondes et, lorsqu’elle avait glissé une main sur mon ventre, j’avais ouvert les yeux, rompant le baiser qui durait depuis un petit moment.

« Je t’aime Junho. » Avais-je simplement murmuré avant de la serrer contre moi, calant ma tête contre son épaule.

Il était clair que j’étais mal installé, accroupi à côté d’elle alors qu’elle était assise, mais je n’avais pas vraiment d’autre choix actuellement… c’était ça, ou debout, ou… sur le lit, mais cette dernière option me semblait réellement risquée avec le philtre qu’elle avait pris.

Il m’était réellement difficile de jauger mes sentiments envers Junho. Tout ce que je savais, c’est qu’ils étaient nés en moi alors que je ne m’y étais pas attendu, qu’ils étaient bien présents, et que j’aurais pu dire à qui voulait l’entendre que je n’avais jamais été amoureux à un tel point. En fait, la différence principale entre l’amour que j’avais ressenti pour Mika à l’époque, et les sentiments que je ressentais actuellement pour Junho, résidait peut-être dans leur maturité. J’étais désormais bien plus âgé et je pouvais juger sérieusement de la profondeur de mes sentiments, chose qui n’était peut-être pas le cas le jour du désastre… Quelque part, c’était également ce qui me faisait peur dans cette relation que j’avais avec Junho… Était-elle réellement sûre de ses sentiments envers moi ? Ne risquait-elle pas de me laisser pour un autre car elle l’aimait bien plus qu’elle ne le faisait avec moi ? J’étais effrayé, mais je me taisais, préférant éviter de réveiller des problèmes où il n’y en avait aucun…

Je réfléchissais sans cesse depuis qu’elle était arrivée à l’infirmerie en présentant les effets typique d’un philtre d’amour. Je ne devais pas la laisser trop m’approcher, même si c’était assez difficile étant donné que j’étais son petit ami, et je ne devais en aucun cas la laisser se fourrer dans une situation embarrassante, que cela soit avec moi ou avec une autre personne de l’école. Je n’avais pas trouvé de bonne solution, si ce n’était ce baiser qui venait de s’achever, car je l’aimais et que cela allait lui permettre de se calmer durant quelques secondes… du moins je l’espérais. C’était aussi pour cette raison que je m’étais serré contre elle une fois le baiser terminé. Je l’aimais réellement, peut-être plus fort que toute autre personne avant elle, plus fort que Mika, qui en fin de compte avait été la seule de ses prédécesseurs… Je ne savais pas poser de mots sur ces sentiments que je ressentais, à part un simple je t’aime que je lui avais laissé entendre quelques secondes plus tard.

J’aurais pu passer la journée entière à la serrer dans mes bras, ne serait-ce que pour sentir son corps contre le mien, pour avoir sa chaleur rassurante et savoir que quelqu’un était là pour moi, car même si je ne cessais d’avancer sur le bon chemin, je ne pouvais pas oublier ces moments horribles que j’avais vécus avant de la rencontrer… et même après. Je venais d’ailleurs à me demander comment seraient les choses si je ne l’avais pas croisée sur ma route. Peut-être aurais-je été totalement perdu, sans doute serais-je même mort à l’heure qu’il était,… Il était angoissant pour moi d’imaginer que les sentiments que nous ressentions l’un envers l’autre pouvaient s’évaporer d’un matin à l’autre… Quelque part, j’avais peur qu’elle m’abandonne, car je savais que ma chute, à ce moment, serait la plus douloureuse que j’avais connue jusque là. Je laissai Junho se serrer contre moi tandis que je m’égarais dans mes pensées après lui avoir une nouvelle fois répété mon amour pour elle.

Un soupir d’aise m’échappa lorsqu’elle vint placer sa main dans mon dos, simplement parce que j’étais heureux de l’avoir dans mes bras pour un instant de plus. C’était stupide, mais quelque part j’étais reconnaissant à Junho de s’être trompé de potion, car je pouvais l’avoir un peu avec moi, passer du temps avec elle alors que j’aurais du être occupé à travailler… C’était stupide, mais j’étais quelque fois frustré à l’idée de ne pas pouvoir l’avoir à mes côtés. Cela aurait été tellement plus simple si nous avions été camarades de classe, si tout le monde avait pu être au courant de notre relation… Au moins, nous n’aurions pas du nous cacher et nous n’aurions pas du subir cela ainsi. Peut-être que cela la rendrait malheureuse dans l’avenir ? Je n’en savais rien… Mais je n’arrivais pas à arrêter de penser à cette éventualité et, quelque part, cela me rendait malade…

« Ca va aller , avais-je répondu lorsqu‘elle me demandait si j’étais bien installé, tu peux rester assise. »

Quelques instants plus tard, malgré ma réponse assez rapide, Junho était déjà debout et attendait que je m’installe sur la chaise à sa place.Je le fis au bout d’un moment d’hésitation, conscient que je n’allais plus vraiment pouvoir lui échapper si elle tentait quelque chose de déraisonné à cause du philtre… mais bon, je ne pouvais pas vraiment lui refuser cela, d’autant plus que j’avais un peu mal au dos à force de travailler comme je le faisais, toujours plus pour éviter de réfléchir à des choses stupides… Je m’étais donc installé confortablement sur la chaise et, quelques secondes plus tard, j’avais pris ses mains dans les miennes, lui adressant un petit sourire tandis que mon regard se posait sur elle.

« Comment tu te sens, avais-je demandé. ça comment à passer ? »

Je ne savais vraiment pas combien de temps risquait de durer le philtre… d’autant plus qu’il avait été préparé par erreur et qu’elle ne pouvait donc pas savoir sa durée, elle non plus… j’avais déjà entendu dire que ceux-ci duraient plusieurs heures, voire plusieurs jours, selon la manière dont ils avaient été préparés… alors je ne savais pas vraiment comment celui-ci allait agir sur Junho…

J’étais persuadé de mes sentiments envers Junho, cela même si je ne cessais de douter d’être capable de lui donner ce qu’elle attendait de moi. J’étais un homme, j’avais déjà vingt-quatre ans… Avais-je réellement ma place avec elle ? Je ne pouvais pas faire fi de cette question, car je savais qu’elle reviendrait me hanter au moment le plus mal choisi. Malgré tout, je devais tenter de rester calme et de ne pas penser à toutes ces questions qu’elle éveillait en moi, pensant simplement à ce que je ressentais pour elle en cet instant, pas à ce qu’elle allait ressentir pour moi dans quelques mois… Non, je ne le devais pas, car je risquerais de me faire des films et de faire de mauvais choix, simplement parce que je penserais que cela la rendrait heureuse, alors qu’en fait cela sera totalement différent…

Depuis des années maintenant, je ne faisais que réfléchir aux choix que je faisais certes, j’avais fait des erreurs horribles, certains choix que je regrettais amèrement aujourd’hui, mais je n’avais pas envie de m’arrêter de penser pour autant. Je réfléchissais à tout, simplement pour éviter les erreurs qui me seraient nuisibles si jamais je les commettais. C’était pour cette raison également que je ne cessais de songer à Junho et aux choses que nous vivions ensemble depuis quelques mois désormais, cette relation fraîche en faisant totalement partie. J’étais bloqué sur cela en cet instant, car j’avais toujours l’impression de faire un pas de travers, de dire une phrase alors que j’aurais du me taire… C’était effrayant, mais n’était-ce pas également l’un des problèmes de l’amour, cette sensation de crainte à l’idée de perdre l’autre ? Je ne pouvais pas y échapper, je le savais… J’avais déjà bien trop perdu pour réussir à ne pas y penser.

Les seuls moments où je parvenais à ne plus vraiment penser, c’était lorsque Junho me prenait contre elle et me serrait dans ses bras. Ces moments là n’étaient pas des plus fréquents à cause de sa nature solitaire, mais c’était justement pour cela qu’ils m’étaient si essentiels et me procuraient une si grande sensation de bien être. Pendant des années j’avais rêvé que quelqu’un me prenne réellement dans ses bras, que quelqu’un soit capable de me soutenir comme j’en aurais eu besoin au lieu de me donner des médicaments pour mon moral ou mon sommeil… J’aurais simplement voulu que l’on soit présent pour moi, mais même mes parents, à l’époque, n’avaient pas été capable de comprendre cela… c’était pour cette raison que j’avais craqué, que je m’étais enfoncé et que j’étais devenu muet également… Trop d’horreurs, trop d’erreurs… C’était un véritable drame et pourtant, aujourd’hui, j’avais droit à ma dose de réconforte, celle que j’aurais méritée depuis des années déjà sans jamais la recevoir.

Certaines personnes avaient essayé de me rassurer : les psychologues, les professeurs, les camarades de la classe dans laquelle j’avais été envoyée ; Malheureusement, aucun d’entre eux n’avait réussi à me réconforter comme Junho le faisait depuis notre rencontre. Quelque chose leur avait toujours manqué… Peut-être était-ce cette spontanéité dans le geste qui n’avait pas trouvé sa place de les leurs ? Peut-être était-ce simplement parce que j’étais tombé amoureux d’elle dès le début, sans même m’en rendre compte ? C’était difficile à identifier car, maintenant, les choses ne seraient plus jamais pareilles entre Junho et moi… je l’aimais, elle m’aimait, nous nous aimions, et à me lire on aurait presque pu croire que j’étais en train de vivre un véritable conte romantique… Cependant, les histoires se passaient rarement jusqu’à leur terme… c’était pour cela que je craignais de la perdre sans avoir le temps de réagir…

C’est pour ces raisons que je profitais de la présence de Junho dans l’infirmerie. J’aurais certes du travailler, mais je n’en avais pas vraiment l’envie, d’autant plus que je ne pouvais laisser entrer personne tant qu’elle était dans un tel état… Je l’avais laissée se serrer contre moi après l’avoir embrassé et, quelques secondes plus tard, elle avait tenu à ce que je m’asseye à sa place… Elle devait avoir peur que je sois mal installé et, franchement, elle avait raison… Je ne pouvais pas la laisser comprendre cela direction, alors j’avais préféré dire que tout allait bien… Mais j’avais quand même fini par m’asseoir sur la chaise qu’elle venait de quitter, la prenant par les mains sans la quitter du regard, lui adressant même un sourire.

Nous étions totalement seuls dans l’infirmerie… En fait, nous étions tout simplement seuls aujourd’hui. C’était rafraîchissant dans le sens ou, contrairement à d’habitude, je n’avais pas cette occasion d’être seul en sa compagnie… Bien évidemment, il y avait toujours le risque d’un tableau pour nous observer, mais je ne pensais pas que ceux-ci s’amuseraient à raconter ce qu’ils avaient vu s’il y en avait un… je n’y avais jamais fait attention en fait. De toute façon, je m’en moquais… Qu’il y en ait ou pas, aujourd’hui était un jour particulier, simplement parce que nous pouvions passer un peu de temps ensemble à l’abri des autres élèves et des professeurs qui auraient risqué de nous causer des problèmes si notre amour avait été découvert.

J’avais laissé Junho s’installer sur mes jambes comme elle le souhaitait, ne faisant aucun commentaire sur sa manière de s’asseoir sur moi, car cela aurait sans doute été déplacé et l’aurait mis mal à l’aise étant donné qu’elle n’était, même si elle restait consciente, pas tout à fait maître de ses gestes et de ses pensées à cause de sa potion. Je lui avais demandé comment elle se sentait, maintenant que quelques instants étaient passés, et sa réponse m’arracha un petit sourire tandis que je continuais ma question.

« Tu crois, ou tu en es sûre ? » Avais-je demandé tandis que je la regardais encore.

Elle vint alors se serrer dans mes bras et, comme s’il cela avait été un réflexe, je fermai les yeux pour la mieux la sentir contre moi. Je l’aimais réellement, mais cette ambiance avait quelque chose de gênant pour moi ; peut-être était-ce parce que, dans le fond, je n’avais pas l’habitude de vivre ce genre de moments ; peut-être était-ce parce que je n’avais jamais été aussi proche de quelqu’un avant elle… dans tous les cas, j’étais intimidé et gêné par la situation, car j’ignorais tout de la manière dont j’aurais du agir pour l’empêcher d’aller trop loin et de provoquer une situation bien plus gênante, pour l’un comme pour l’autre.

J’ouvris les yeux quelques minutes plus tard, lorsque je sentis ses dents sur mon oreille. Je souris un peu, mais je me contentai de ne rien dire, car je sentais désormais sa main sur mon torse, chose qui m’arracha un léger frisson car elle était étonnamment froide… Je devais m’abstenir de commentaire, mais surtout éviter de la repousser car, dans le fond, j’avais un peu peur qu’elle s’énerve… Je ne pouvais pas lui dire clairement qu’elle devait arrêter ce genre de geste car les choses risquaient de s’emballer… cela aurait été assez embêtant, pour elle comme pour moi… Je devais juste me faire confiance et éviter de déraper… quitte à la repousser si elle allait réellement trop loin dans ce qu’elle faisait.

J’avais finalement passé mes bras dans son dos pour l’enlacer en souriant. J’avais fermé les yeux pendant quelques instants, profitant du calme et de cet instant que nous passions, rien que tous les deux… C’était plaisant, même si je me craignais moi-même, car je savais qu’elle était encore jeune et que j’aurais pu lui attirer de grave ennuis si les choses étaient venues à mal tourner…

Les sentiments que je ressentais envers Junho étaient forts. Jamais encore je n’avais été épris autant que je l’étais avec elle et, même si les choses semblaient étranges, à cause de notre âge en particulier, aux yeux des autres, je ne pouvais m’empêcher d’être heureux de l’aimer. Il y avait bien eu Mika, lorsque j’étais plus jeune, mais les choses n’avaient jamais pu être à cause de cet horrible désastre qui nous avait frappés. Elle n’avait jamais connu mes sentiments pour elle et, désormais, je venais à me demander si je l’avais aimée autant que j’aimais Junho. J’aurais voulu disposer de tout mon temps pour le lui montrer. Malheureusement, mon travail me prenait déjà une bonne partie de celui-ci, et nous ne pouvions pas nous afficher en public.

Ce moment, dans l’infirmerie, était en quelque sorte un instant privilégier. Personne ne savait que nous y étions, hormis les silhouettes qui habitaient les tableaux de l’école ; personne ne pouvait venir nous déranger. C’était mieux que notre escapade dans le parc, mieux que les moments où d’autres personnes pouvaient arriver et nous troubler dans notre réconfort… Cependant, Junho avait pris un philtre d’amour et, dans le fond, cela changeait énormément de choses à mes yeux. Elle n’était pas totalement elle-même, et sans doute aurait-elle agi de la même manière avec des personnes pour qui elle n’avait aucun sentiment.

Désormais, elle était assise sur mes jambes. Je l’avais laissée faire sans broncher, car je n’avais pas envie de la heurter, et encore moins de lui laisser croire que je ne l’aimais pas. J’aurais réellement été embêté qu’elle pense cela, alors qu’en réalité c’était totalement faux. Je devais cependant avouer que, malgré le calme apparent que je possédais, ses gestes étaient légèrement troublants pour moi… Mais pas dans le mauvais sens du terme.

J’étais heureux de l’avoir dans mes bras. Je souris d’ailleurs lorsqu’elle m’adressa quelques paroles, s’excusant de la fraîcheur de sa main, qu’elle avait posée sur mon torse un peu plus tôt. Je ne lui en tiendrais pas rigueur car, au fond, elle n’en était absolument pas responsable. N’aurait-il pas été stupide que je lui en veuille pour une chose aussi futile ? Je laissai donc simplement s’agrandir mon sourire tandis qu’elle relevait la tête. Je la regardai sans ciller pendant quelques secondes, avant qu’elle ne s’approche de moi pour déposer plusieurs baisers sur ma peau. J’avais fermé les yeux sans rien dire pendant un moment et, finalement, j’avais jugé que les choses allaient trop loin et que, pour éviter tout dérapage, de ma part ou de la sienne, je devais mettre fin à ce genre de gestes dans l’instant.

« Junho, avais-je déclaré alors qu’elle glissait une autre main sous mon haut, je pense que tu devrais te reposer. Tu ne penses pas ? »

Je ne voulais pas la chasser. Pour cette raison, je n’avais pas cherché à me défaire de ses gestes, la laissant contre moi. Je n’avais même pas bougé, continuant à la serrer un peu dans mes bras alors que je lui proposais d’aller dormir un peu. Il ne faisait pas encore nuit, c’était un fait, mais j’avais l’impression que les choses ne s’arrangeaient pas et, dans le fond, j’avais peur de faire des choses que je regretterais plus tard. Non pas que je regrette le fait de le faire avec elle… Peut-être était-ce simplement cette impression que le moment était mal venu, qu’il était bien trop tôt pour songer à cela et, pire encore, qu’elle n’était pas encore en âge de faire cela sans courir de risque par rapport à l’école et aux surveillants s’ils venaient à l’apprendre.

Je me moquais pertinemment de savoir si mes agissements déplaisaient au mangemort, tant que les conséquences s’abattaient sur moi. Malheureusement, celles de ce genre d’acte auraient pu toucher Junho également et, cela, je ne me le serais jamais pardonné. C’est en y songeant que j’avais à mon tour relevé la tête, venant chercher les lèvres de Junho pour un nouveau baiser.

Jamais je ne m’étais questionné sur mon avenir jusqu’alors. Du moins, pas comme j’aurais du le faire. Des années durant, je n’avais fait qu’imaginer ma vie sous un angle morbide et sanglant ; je m’étais vu, chaque nuit, pendant des années, mourir soudainement tandis que s’effondraient autour de moi les dépouilles sans vie de mes camarades. J’avais perdu le goût des choses, j’avais oublié ce que cela faisait, de se sentir en confiance avec quelqu’un, de partager des moments heureux avec une autre personne. Celui que j’avais été pendant mon enfance avait été réduit à néant par le désastre qui avait frappé ma vie. Désormais, grâce à Junho, j’avais appris à lever la tête à nouveau, à aller de l’avant sans me retourner… du moins pas trop souvent.

J’avais énormément changé, sur peu de temps, mais je n’en étais pas moins blessé par ce qui m’était arrivé quelques années plus tôt. Heureusement, ces changements s’étaient, jusqu’ici, révélés suffisant pour me permettre de me redresser et de continuer avec le sourire aux lèvres. Un sourire que j’avais perdu depuis tellement de temps désormais. Cela, une fois de plus, je le devais à Junho, cette jeune fille, presque une femme d’ailleurs, dont j’étais tombé amoureux de façon totalement fortuite... Et dieu sait ce que les choses pouvaient être compliquées, en particulier en cet instant.

Les philtres d’amour étaient bien souvent des problèmes délicats. Les réactions de leurs « victimes » pouvaient avoir des comportements très divers et, dans les cas les plus extrêmes, certains pouvaient se montrer très ennuyeux et difficiles à gérer. Heureusement, cela ne semblait pas être le cas de Junho. Une chance que ce philtre n’ait pas été le fruit de sa volonté, mais bien d’un malheureux échec qui l’avait conduite à le concocter… sans doute en lui donnant un moindre effet. Malgré tout, cela la rendait très tactile, alors qu’habituellement elle était plutôt distante… Ce qui était légèrement intimidant, même si cela restait plaisant.

J’aurais parfaitement pu m’attendre à sa réponse. Je me doutais qu’elle n’était pas fatiguée, mais il était essentiel de l’occuper, de quelque manière que ça soit. La seule que j’avais pu trouver actuellement était, malheureusement pour elle, celle du sommeil. Avec un peu de chance, celui-ci serait assez long pour permettre aux effets du philtre de se dissiper. J’avais fermé les yeux et poussé un petit soupir, plantant mon regard dans le sien, cherchant à adopter une expression convaincante dans la sévérité, une expression qui lui donnerait l’impression d’être obligée de s’exécuter. Cependant, je n’y arrivais pas.

Mes paroles eurent néanmoins pour effet de lui faire ôter sa main de l’endroit où elle venait de la placer. J’avais alors initié un nouveau baiser, quelques secondes avant de sentir la main de Junho se poser sur ma cuisse et la caresser. Cela était légèrement gênant, mais j’avais déjà l’impression de ne faire que la repousser depuis qu’elle était arrivée… C’était troublant, cette impression de devoir l’empêcher d’agir, mêlée à cette envie de la laisser faire comme elle l’entendait. J’avais un peu de mal à prendre mes décisions, mais ne pas choisir aurait également été un choix, dans le fond, et ce n’était clairement pas mon objectif.

Lorsqu’elle vint poser son front contre le mien, je souris un peu. Je l’écoutai attentivement lorsqu’elle prit la parole. Mon sourire s’agrandit un peu. Cela avait quelque chose d’enfantin, cette manière de me répondre ; on aurait presque pu croire qu’il s’agissait là d’un caprice et, dans le fond, n’était ce pas ce qu’elle faisait en refusant d’aller dormir si je ne l’accompagnais pas ? Pris ainsi, cela pouvait paraître attendrissant… Malheureusement, ça l’était moins lorsqu’on avait à connaissance du Philtre qu’elle avait avalé…

« D’accord, alors on va se reposer. » Déclarais-je, attendant qu’elle se redresse pour me laisser quitter cette chaise.

Mon regard restait posé sur elle. J’étais heureux d’être là, avec elle, alors que j’aurais du me trouver en train de travailler en ces mêmes lieux… J’espérais que personne ne me ferait de problème à ce niveau… Je l’espérais réellement.

Je m’inquiétais pour Junho. Elle avait beaucoup de chance d’être tombé sur un philtre d’amour plutôt que sur un poison. Si cela était arrivé, j’aurais sans doute risqué de la perdre… cette simple idée suffit à me rendre malade et à m’attrister. Je ne pouvais pas la laisser recommencer une telle chose. Il faudrait que je songe à lui en parler un jour, car je n’avais réellement pas envie qu’il lui arrive malheur alors qu’elle était simplement un peu maladroite. Pourtant, elle n’avait plus sa baguette avec elle, c’était encore moi qui la cachait dans mes affaires pour éviter qu’elle n’attire des ennuis à qui que ça soit… Malheureusement, cela semblait ne pas suffire à lui empêcher les problèmes qu’elle avait parfois… Elle était maladroite et, cela, je ne le changerais pas. C’était donc à moi qu’il revenait de la protéger et d’assurer sa sécurité… Enfin c’était mon avis personnel.

En décidant de lui avouer mes sentiments, je m’étais investi d’une tâche de protection. Je devais tout faire pour la rendre heureuse et lui permettre de s’épanouir correctement. Seulement, j’avais beau faire des efforts, j’avais l’impression que cela ne suffirait jamais pour m’assurer ses sentiments et être certain d’être la personne qu’il lui fallait. Je ne cessais de penser qu’elle aurait peut-être été plus heureuse avec un garçon de son âge qui aurait pu avoir plus de facilité à s’afficher avec elle… Je savais que, lorsque j’étais encore à l’école, lorsque j’avais son âge, les filles autour de moi se plaisaient à déballer leurs sentiments et leurs vies sentimentales, tant elles étaient heureuses de partager leur bonheur avec les autres… Junho avait beau être différente des autres, cela ne m’empêchait pas de penser qu’elle avait peut-être les même besoins à ce niveau…

Mes tentatives pour l’envoyer dormir s’étaient révélée vaine et, comme j’aurais pu m’y attendre vu son état actuel, Junho avait exigé de moi que j’aille me reposer avec elle si elle s’exécutait. Bien évidemment, je n’avais pas pu lui répondre par la négative, car j’aurais eu bien trop peur de l’abandonner ainsi alors qu’elle ne le méritait pas. Pour cette raison, je m’étais contenté de lui faire comprendre que nous allions y aller et qu’elle devait, de ce fait, se lever. Je m’étais levé une fois qu’elle avait quitté mes jambes et, souriant, je l’avais observée pendant quelques secondes.

Je remarquai après quelques instants que Junho semblait perdue dans ses pensées alors qu’elle regardait la fenêtre ouverte. Cela m’arracha un sourire, mais je ne pus m’empêcher de me questionner sur les choses qu’elle pensait à cet instant. Pensait-elle à nous ? À ses parents ? À d’autres choses dont je n’avais même pas idée et qui auraient pu lui faire du mal ? J’étais inquiet pour elle car je me rendais compte que je connaissais vraiment peu de chose…Pourtant, j’aurais réellement aimé faire quelque chose pour l’aider à se sentir mieux et à se développer plus naturellement dans la masse des élèves de Poudlard… À mes yeux, ça n’était pas le cas actuellement… Une jeune fille déguisée en garçon ne pouvait pas être naturelle avec les autres, et j’avais peur que cela finisse par lui attirer des ennuis.

Je la regardai pendant quelques secondes sans mot dire, songeur, et au moment où mon prénom s’échappa d’entre ses lèvres, je sortis de mon observation pour répondre calmement.

« Oui ? » Avais-je demandé simplement.

Je m’approchai d’elle doucement et me plaçai dans son dos, l’enlaçant par la taille avant de poser ma tête sur son épaule en fermant les yeux, un petit soupir m’échappant à ce moment. Elle avait toujours été un peu plus grande que moi, mais heureusement elle ne me dépassait pas de trop, pas assez pour m’empêcher de faire ce genre de chose, car je trouvais cela réellement réconfortant pour moi, surtout lorsque j’étais en train de m’inquiéter des choses qui lui arrivaient sans qu’elle puisse visiblement les prévoir.

Au bout d’un moment passé ainsi, quelques secondes qui me semblèrent durer des heures tellement j’aurais voulu rester ainsi sans rien dire, j’avais ouvert la bouche pour murmurer quelques mots à son adresse.

« Ne bois plus une potion sans être sûre qu’elle est réussie… d’accord ? Je ne voudrais pas qu’il t’arrive malheur à cause de ça. »

Quelques secondes plus tard, je me détachai d’elle, saisissant sa main au passage et, lui adressant un petit sourire, je me mis de nouveau à parler.

« Allez, on va dormir un peu. »

Je l’emmenai alors vers un lit de l’infirmerie, car il n’était pas question de sortir tranquillement dans les couloirs pour rejoindre ma chambre... et de toute façon j’avais trop peur de ce qui aurait pu arriver si je m’étais retrouvé dans un espace réellement privé avec elle dans cet état. Je ne pouvais après tout pas nier qu’elle m’attirait, même si cela ne faisait que quelques temps que nous étions ensemble, c’était tout à fait naturel, et j’avais peur que cela finisse par poser problème un jour. Bref, je ne devais pas m’en préoccuper et, pour cette raison, je la fis simplement asseoir là en lui souriant un peu.

« Tu te sens comment maintenant ? » Avais-je demandé, espérant que le philtre passait un peu quand même.

Au fond de moi, j’étais heureux que les choses n’aient pas pris un tournant catastrophique. J’avais craint le pire en la voyant arriver et commencer à être aussi tactile, mais il semblait désormais que les choses se calmaient un tant soit peu. Je m’étais donc senti vaguement rassuré au moment où je l’avais entendue me répondre qu’elle n’allait plus faire cette bêtise désormais. J’étais heureux car j’avais envie de lui faire confiance ; j’avais peur pour la même raison, mais parce que je ne savais pas si elle allait réellement réussir à contrôler sa maladresse et à attendre d’être sûre d’elle pour boire un breuvage ou faire une chose risquée… J’étais effrayé à l’idée de la perdre, mais sans doute ne le savait-elle pas… c’était effrayant de voir à quel point l’amour me rendait peureux.

Je l’avais finalement lâchée avant de la mener vers le lit avec douceur pour ensuite la faire s’y installer. Je lui avais souris avant de lui demander comment elle se sentait et, quelques secondes plus tard, je l’avais entendue répondre à ma question, s’excusant au passage de me poser des problèmes. J’avais alors poussé un petit soupir tandis que je réfléchissais et, quelques secondes plus tard, je la sentis me saisir par la taille et poser son front contre mon torse. J’avais posé mes mains dans ses cheveux que je caressais pendant quelques secondes avant de poser mon menton sur le haut de son crâne en fermant les yeux.

« Ne t’en fais pas. Je t’aime. »

Ces quelques mots signifiaient énormément à mes yeux. Je l’aimais, je voulais qu’elle continue à se confier, qu’elle me laisse la protéger et, surtout, qu’elle comprenne que j’étais également là pour cela. J’étais à ses côtés pour lui permettre d’être heureuse et lui faire plaisir, pour l’empêcher de se blesser ou d’être triste… bref, j’étais à ses côtés pour l’aimer. Je ne voulais pas la voir pleurer, je ne voulais pas qu’elle déprime ou qu’elle se blesse… Elle n’avait pas à s’en vouloir de « me causer des problèmes »… Cela arrivait à tous les couples… j’en étais persuadé. Je l’avais laissée comme ça quelques instants et, au bout de ceux-ci, je m’étais adressé à elle à nouveau, la voix un peu inquiète, même si je la voulais rassurante.

« Comme tu as mélangé deux recettes, il se peut que tu ais quelques effets secondaires, des maux de ventres, de tête etc… mais rien de bien méchant je pense. » Avais-je déclaré, mon côté infirmier reprenant sans doute le dessus.

Je me décollai d’elle quelque peu et je la poussai doucement pour qu’elle s’allonge.

« Allez, allonge-toi un peu maintenant, ça te fera peut-être du bien. » Avais-je annoncé en souriant avant de m’installer moi aussi sur le lit sans rien dire de plus.

Je l’observai sans un mot, incapable de savoir quoi dire ni quoi faire et, quelques secondes plus tard, je posai un baiser sur son front en répétant une nouvelle fois ces quelques mots.

« Je t’aime Junho. »