Je traînais la patte dans les couloirs, je marchais naturellement, du moins je l’essayais, mais ce corps dont j’avais pris l’apparence ne m’appartenait pas. Il était… à une personne dont je n’aurais jamais pensé imiter l’image un jour. Cette apparence que j’avais prise, c’était celle de Cadeyrn Llyr. Oui, j’avais pris la forme d’un garçon comme lui, pour les mauvaises raisons sans doute, mais je l’avais fait. Après ce qui était arrivé à la salle sur demande, je n’avais pas vraiment de difficultés à me métamorphoser… J’étais, comment dire, en terrain connu ? Après, je devais bien avouer que les choses étaient compliquées...

Cadeyrn, c’était un peu ce garçon dont j’ignorais tout… Un garçon qui, depuis quelques temps, hantait mon esprit… Je ne savais plus comment les choses étaient arrivées ; j’ignorais totalement les raisons qui me poussaient vers lui, mais j’avais… développé une sorte de jalousie envers lui. C’était en partie pour cette raison que j’étais là, transformé en Cadeyrn… Je voulais avoir le cœur net à un sujet bien précis… Au sujet d’une jeune femme dont j’avais entendu parler au détour d’un couloir, car les choses se savaient assez vite lorsque l’on prêtait l’oreille aux bruits de couloirs et, ici, j’avais envie d’en savoir plus.

J’étais donc allé la trouver. Je n’avais pas accès à la salle commune des Poufsouffle et, par mesure de sécurité, je devais éviter de croiser le chemin de Cadeyrn avant d’avoir eu ma confirmation ; ainsi, je m’étais retrouvé dans les couloirs du château, à errer à la recherche de la jeune fille, espérant sans doute que celle-ci m’arrive sur un plateau d’argent… Son nom était Ellen Breathe… Je n’étais pas très sûr de moi, mais la jalousie dont j’étais la proie me portait… Je devais simplement être très… prudent : ne pas parler, ne pas prononcer un mot sans être sûr de ce que j’allais dire et, surtout, sans être sûr qu’elle ne remarquerait pas la différence qui existait entre nous voix.

J’avais appris des choses à son sujet, comme son nom, son prénom mais, dans le fond, j’ignorais tout de cette jeune femme. Alors que je la cherchai à l’aide de maigres détails physiques que j’avais appris sur elle, je culpabilisais : était-ce bien, de prendre l’apparence d’une personne à laquelle on s’est attaché, d’une manière ou d’une autre ? J’étais réellement troublé par les choses que je ressentais lorsque je venais à être proche de lui… c’était un peu comme si je n’étais plus moi-même… Étais-je réellement un monstre ? Cette petite Gryffondor et Icho m’avaient bien prouvés que je n’étais pas aussi mauvais que j’aurais voulu le faire croire… Je n’avais été qu’un lâche pendant longtemps et, maintenant encore, je ne parvenais pas à être moi-même en allant trouver cette Ellen… Non, je prenais l’apparence d’un autre rien que pour cela. Je me sentais presque… pitoyable.

Après un nouveau moment d’errance, j’arrivai à hauteur d’une demoiselle qui correspondait à la description qui m’avait été donnée et, les yeux fermés, j’avais poussé un petit soupir, faisant comme si je cherchais une information dans un livre, incapable de me concentrer tant j’avais envie de la bombarder de questions indiscrètes… Tant je voulais lui faire comprendre ce que je ressentais.

Ce jour-là, je n’avais rien prévu de particulier. Personne ne m’avait proposé d’aller avec lui dans le parc ou à n’importe où en fait. J’aurais pu aller voir un de mes rares amis mais ça n’aurait servi à rien, je n’avais rien à leur dire de spécial alors passer un après-midi à rien dire ce n’est pas très intéressant, je trouve. Je n’ai jamais compris tous ces gens qui aime passer du temps avec les autres alors qu’ils ne se disent rien, bah oui c’est vrai quoi les conversations remplies de blancs c’est déprimant…  

J’aurais également pu aller retrouver Cadeyrn. Mais le problème avec lui c’est que je ne savais jamais où il était. J’adorais passer du temps avec lui, mais je ne devais être qu’une fille parmi tant d’autres pour lui. Ce n’était pas le genre de garçons à avoir des relations sérieuses avec les filles. Il ne le savait pas mais c’était lui qui m’avait fait casser avec Neville, il m’avait retourné le cœur, ce que je ressentais pour lui c’était indescriptible, je l’aimais vraiment, mais ça je ne pouvais pas lui avouer, il n’en avait rien à faire d’une pauvre fille comme moi.

J’avais donc choisit la solitude. Je n’étais pas comme certaines filles qui avaient peur de se retrouver toute seule, moi j’avais l’habitude, c’était un peu comme si la solitude était une de mes amies. Quand on est seule on peut réfléchir à pleins de choses et surtout on peut faire ce que l’on veut sans être jugée. J’ai toujours été habituée à elle, c’était comme si c’était une deuxième partie de moi mais ça n’était pas plus dérangeant que ça, moi je l’aimais bien.

Après m’être baladé un peu dans les couloirs les plus déserts, je décidai de me poser un petit peu. Je ne savais pas réellement ce que j’allais faire mais marcher sans aucun but précis commençait à m’ennuyer un peu. Je m’étais donc arrêtée dans un couloir du quatrième étage, il n’y avait presque personne, seulement de temps en temps des couples ou des groupes d’amis qui passaient devant moi, sans me regarder. Je me perdis dans mes pensées quelques instants, le regard dans le vide.

Quelques minutes plus tard, je repris mes esprits et j’entendis un soupir, je remarquai alors qu’il y avait une autre présence près de moi. Je relevai la tête et je découvris Cadeyrn. Il était tellement beau, il ne changeait pas, à chaque fois que je le revoyais, je le trouvais encore plus beau qu’avant, mais là n’étais pas le sujet… Il avait l’air perdu, peut-être que ce n’était pas moi qu’il venait voir, peut-être qu’il chercher simplement une autre personne, une autre fille…  Je ne pus m’empêcher de  lui voler un simple baiser après avoir vérifié qu’il n’y avait pas de personnes aux regards indiscrets.

Notre relation devait rester secrète, on s’était mis d’accord sur ce point. Au début, ça m’arrangeait bien mais finalement je m’étais rendue compte que c’était juste pour pouvoir fréquenter d’autres personnes…  Ça me brisait le cœur de savoir ça mais je ne pouvais pas lui faire des reproches à ce sujet, il n’aurait pas compris et m’aurait laissée tomber…  

Je le regardai pour essayer de deviner son problème, il y avait peut-être quelque chose qui n’allait pas, c’était peut-être moi le problème… Et s’il venait pour me dire qu’il voulait tout arrêter ? Je ne pouvais pas m’imaginer que ce soit possible, je ne me voyais pas continuer sans lui, il était tellement important pour moi… Le meilleur moyen pour avoir toutes mes réponses était forcément de lui demander.

« Cadeyrn ? … Il y a quelque chose qui ne va pas ? »

J’avais toujours pensé que la seule chose qu’il manquait aux métamorphomages pour réellement pouvoir utiliser leur pouvoir comme bon leur semblait, c’était d’être capable de métamorphoser leurs voix également. J’avais certes réussi à développer ma voix pour imiter certains timbres, mais j’étais en revanche bien loin de la perfection pour un grand nombre de tonalités. C’était d’ailleurs le cas pour la voix si particulière de Cadeyrn. Si j’avais voulu, j’aurais sans doute passé du temps à m’entraîner à l’imiter, mais j’en étais hélas bien incapable, le rencontrant trop peu souvent… par rapport à ce que j’aurais souhaité. C’est ainsi que je me retrouvai incapable de protester ou de repousser cette Ellen lorsque celle-ci me vola un baiser.

Cadeyrn l’aurait-elle repoussée ? Aurait-il protesté face à ce geste ? Pas d’après les échos que j’avais eu à leur propos. Ce simple baiser suffit à me serrer le cœur, moi qui n’aurais plus cru être capable de ressentir des sentiments désagréables comme cela. En cet instant, je me sentais comme trahi, cela sans raison valable… Étais-je le petit ami de Cadeyrn ? Non. Mais qu’étais-je alors ? Sans doute n’étais-je qu’un garçon comme les autres… un garçon avec qui il avait passé une nuit particulière à la salle sur demande…

Ce jour, cette soirée plutôt, restait ancrée dans mon esprit plus que n’importe quelle autre. Pourtant, j’avais vécu de nombreuses nuits, avec de nombreuses personnes, mais je ne parvenais pas à me détacher des sensations et des choses que j’avais ressenties cette nuit là… Cadeyrn était… étrange à mes yeux. Oui, il l’était vraiment, mais cela signifiait-il que je devais le repousser ? Même si cela avait été le cas, j’en aurais été bien incapable, tant il paraissait m’attirer comme un aimant…

Je ne répondis pas au baiser d’Ellen ; je ne l’appréciais pas, rien que par sa manière d’être. Certes, elle n’était peut-être pas particulière aux yeux des autres, mais elle l’était clairement aux miens. Pour moi, cette fille était un parasite, un parasite qui venait s’interposer entre moi et un garçon qui me faisait ressentir des choses… pour le moins étranges. J’aurais pu me sentir heureux pour cela, car j’aurais ainsi pu m’éloigner de lui et ne plus ressentir ces sentiments, mais la simple idée de tirer un trait sur cette nuit passée en toute intimité et sur la présence de Cadeyrn me faisait de la peine. Tout cela, cette nuit, ce moment horrible passé dans le labyrinthe des mangemorts… n’était-ce pas propice au rapprochement ? Ca l’était, de mon côté.

Plus les jours passaient, plus il me semblait lointain. Cadeyrn était tellement particulier, il avait un comportement tellement étrange et, pourtant, dans le labyrinthe, il avait été là lorsque j’en avais besoin, c’était l’élève que j’avais rencontré avant de perdre connaissance et d’être emmené par les mangemorts… Ce garçon était réellement spécial et, quelque part, il avait toujours eu un comportement différent de celui des autres élèves. Désormais, alors que j’avais subi la colère de Lins, j’avais l’impression que mes agissements envers lui, envers Cadeyrn j’entends, étaient différents… se voulaient différents.

Ce que je voulais, c’était… le prendre dans mes bras, lui expliquer ce que j’avais ressenti lorsque Lins m’avait frappé, ce que je pensais de moi-même, les raisons pour lesquelles je commençais à nouveau à me haïr profondément. Hélas, les jours où je croisais la route de cet homme perturbant étaient rares, très rares… et j’avais parfois comme l’impression d’avoir un manque par rapport à lui. Oui, Cadeyrn venait parfois à me manquer, et lorsque je le réalisais, je devais trouver un moyen de m’occuper l’esprit pour ne pas passer pour un idiot ou pour une personne que je n’étais pas… Je n’avais jamais aimé les hommes, alors pourquoi aurais-je commencé ?

Quelques secondes après sa question, je secouai la tête comme seule réponse, détournant ensuite le regard en croisant les bras contre mon torse… qui en cet instant était celui de Cadeyrn… enfin, bref, vous avez compris l’idée. Je voulais comprendre quelle relation existait réellement entre Ellen et lui, car je ne comprenais pas vraiment tout et, d’après ce que j’avais entendu, celle-ci ne me plaisait absolument pas. Je ne devais pas non plus parler…