Quand j’effleurai les lèvres de Junho avec les miennes, je pus sentir son souffle contre mon visage, cela m’apaisa réellement. Je l’avais finalement embrassée, après avoir enlevé son dernier habit, et j’avais de nouveau profité de sa chaleur et de la caresse de sa peau contre la mienne. Je souhaitais rester là pour toujours, la garder contre mon corps sans crainte et lui montrer à quel point je l’aimais, je la voulais mienne, à chaque seconde un peu plus, mais je craignais encore de la brusquer, de la faire fuir sans la voir revenir… ce que je pouvais me sentir idiot quand ce genre d’appréhension me saisissait.

Je laissai Junho caresser le bas de mon dos de ses mains ; cela avait quelque chose d’enivrant, d’autant plus que ce contact était doux et apaisant. Je fermai finalement les yeux, lorsque la petite amie m’ôta également mon vêtement. À ce moment, je la désirais plus que jamais. Je ne manquai pas de remarquer qu’elle s’efforçait de maintenir une certaine distance entre nos corps, entre certaines parties du moins, mais je la laissai faire un moment avant de m’allonger contre elle ; je n’avais jamais été aussi proche d’elle, ni même d’une femme, mais j’étais moins gêné d’être là, avec elle, car j’étais heureux, et le désir mêlé à cette joie en valaient totalement la peine.

Le silence s’installa pendant quelques instants, la seule chose qui le brisait était la respiration désormais altérée de ma petite amie. Je sentais son souffle contre moi, sa peau contre la mienne… et je souriais. Je souriais, presque comme un idiot, tellement j’étais heureux d’être là. En cet instant, je ne me disais plus que nous étions d’âges différents, je souhaitais simplement que les choses se passent bien, ne serait-ce que pour elle. Après quelques secondes, je vins poser mes lèvres contre les siennes, descendant ensuite dans son cou où je déposai plusieurs baisers tandis que, de mes mains, je caressais ses côtés.

Mes gestes étaient empreints de douceur car, bien que je la désire, je voulais qu’elle se sente bien. Aussi, j’hésitais désormais sur la marche à suivre. Allongé sur elle, contre elle, je me contentai de la caresser, mes mains descendant doucement de ses côtés à ses hanches, puis de ses hanches à ses cuisses… sans manquer de venir chercher un nouveau baiser. J’éloignai finalement nos visages pour lui adresser la parole à voix basse, mon regard plongé dans le sien.

« Junho, tu me le diras si quelque chose ne va pas, d’accord ? »

J’approchai mon visage du sien une nouvelle fois, cela après quelques secondes, et j’approfondis le baiser après un instant. Je me serrai un peu contre elle, continuant à caresser ses cuisses tout en l’invitant à se placer un peu mieux par rapport à moi. Quelques secondes plus tard, je me redressai un peu pour pouvoir bouger et, m’avançant légèrement, je vins doucement en elle, fermant les yeux et m’arrêtant après un court instant. J’étais trop crispé et j’avais peur, alors j’avais peur d’aller plus loin et de lui faire mal... Je savais que je n’aurais pas du m’en faire pour ça… mais c’était difficile.

Durant des années j’avais cru que je resterais seul pour le reste de ma vie ; cependant, en rencontrant Junho, en passant du temps avec elle et en développant ces sentiments si particuliers pour elle, j’avais en quelques sortes changé la donne ; désormais, je ne voyais ma vie qu’à ses côtés. Je n’avais jamais cherché la présence d’une autre, si ce n’était celle de mes collègues et de mes « amies » lorsque j’en avais eues, mais encore ce n’était pas pareil… Junho, je l’avais cherchée, réellement, lorsqu’elle n’était pas près de moi ; elle m’avait déjà manqué comme jamais personne ne l’avait fait avant, quand j’étais parti au Japon. Ainsi, j’en étais venu à comprendre que je l’aimais, réellement, bien plus que Mika lorsque nous étions dans la même classe, bien plus que n’importe qui… Quelque part, j’osais croire que personne ne l’aimait autant que moi, car j’aurais été blessé d’apprendre que c’était le cas, mais je ne pouvais me leurrer et croire que tout était acquis, car n’importe qui aurait pu venir et changer les choses… Il aurait peut-être suffi d’un rien, d’un incident, d’une malchance, pour que Junho m’abandonne et aille trouver mieux ailleurs ? Je ne devais pas y penser.

En ce moment, tout ce que je devais penser, ressentir, désirer et même souhaiter, c’était la présence rassurante de Junho contre moi ; elle était là, avec moi, contre moi… Nous étions ensemble dans un endroit où personne ne pourrait venir me l’arracher, où personne ne risquait d’arriver pour lui faire du mal, ni même pour me faire de mal, alors il était idiot d’avoir des pensées aussi tristes que celles que j’avais déjà pu avoir dans la soirée ou même par le passé ; j’aimais Junho, elle m’aimait, nous nous aimions, et c’était peut-être bien la seule chose qui comptait, la seule information que nous devions retenir si nous souhaitions profiter de ce moment d’intimité comme il se devait, sans être troublé par les évènements difficiles et douloureux qui avaient pu arriver dans nos vies avant d’en arriver là. Cette idée à l’esprit, j’étais resté contre elle, j’avais tenté de la rassurer et l’avais encore embrassée plusieurs fois avant de lui demander de m’indiquer si les choses n’allaient pas.

C’est ainsi que les choses avaient continuées, peu avant que je m’arrête, crispé et soucieux de ne pas lui faire mal. J’avais fermé les yeux et attendu comme un signe, quelque chose qui me dirait si j’avais bien agi ou non… Je sentais bien sa tête contre mon épaule, mais je ne savais pas ce qu’elle ressentait ; j’ignorais si je lui faisais mal, si je l’inquiétais et si j’agissais bien, car dans le fond, même si je savais beaucoup de choses grâce à mes études et mon métier, cela ne signifiait pas que les choses allaient se passer parfaitement bien et seraient très agréables sur le début… C’était normal, et les choses étaient différentes pour chaque personne… c’était pour cela que je craignais d’agir comme un idiot.

Mon anxiété s’effaça un peu lorsque j’entendis la voix de ma petite amie qui me murmurait qu’elle m’aimait après avoir embrassé légèrement le bas de mon oreille. Son timbre, sa présence, sa voix qui me semblait si rassurante alors qu’elle devait être autrement plus inquiète que moi… cela me détendit légèrement, et de sentir ses jambes dont elle m’entourait désormais, je fus encore plus rassuré. Quand elle me serra un peu plus contre elle, je trouvai un appui pour venir un peu plus en elle. Je gardai mes craintes pour moi, mais je savais qu’à un moment elle risquait de réagir… du moins je le pensais ; si ce n’était pas le cas, cela serait réellement rassurant, mais si c’était bel et bien sa première fois, comme j’osais le croire, les choses ne risquaient pas d’être aussi idéales qu’on aurait pu le croire… J’étais si mal à l’aise avec elle, et pourtant je la désirais tant… c’était presque contradictoire.

Tandis que je continuais, je vins l’embrasser dans le cou à de nombreuses reprises, caressant ses épaules auxquelles je m’accrochais un peu pour la serrer contre moi et me hisser légèrement contre elle. Je vins ensuite murmurer à son oreille.

« Je t’aime aussi, Jun. »

Je l’embrassai sur la tempe avant de revenir embrasser sa gorge, mon souffle étant légèrement accéléré à cause de ma gêne, de mon désir et de toutes ces choses qui arrivaient en cet instant. J’essayais de me décrisper car je savais que c’était ainsi que je risquerais de lui faire vraiment mal, et j’y allais avec douceur pour essayer de limiter les potentielles douleurs.

Lorsque j’avais rencontré Junho pour la toute première fois, rien n’aurait pu me dire que j’allais tomber amoureux d’elle. Absolument rien. Elle n’était qu’une élève parmi tant d’autres, un élève même à mes yeux, car je n’avais pas cru possible qu’elle soit une fille en réalité, tant elle était androgyne et, si sa blessure n’avait pas nécessité que je lui demande d’enlever son haut, si je n’avais pas été muet et incapable de lui demander… sans doute n’aurais-je jamais découvert qu’elle était une jeune femme… Si cela était arrivé, peut-être, c’était même sûr, ne serais-je pas tombé amoureux d’elle. J’aurais été l’infirmier, elle aurait été l’élève, mais jamais notre relation n’aurait évolué. Y repenser me faisait réaliser à quel point notre rencontre, nos rencontres, étaient le fruit du hasard.

Quand je lui avais parlé ce premier jour, quand j’avais soigné sa plaie, je n’aurais jamais imaginé la tenir un jour dans mes bras, dans ce lit, profitant de sa chaleur et du toucher de sa peau, si doux et si agréable… Je n’aurais pas cru celui qui, poussé par une inspiration quelconque, aurait prétendu que j’aimerais Junho, que je serais avec elle en cet instant, à partager un moment aussi intime avec elle…

Alors que je me hissais un peu contre elle, j’entendis ma petite amie soupirer plus fort qu’à l’habitude, ce qui attira un peu mon attention sans pour autant m’inquiéter ; quelque part, je comprenais ce qu’il se passait, car je m’étais attendu à ce qu’elle réagisse ou ressente quelque chose au bout d’un moment ; aussi, je ne m’étais pas mis à paniquer pour rien : si Junho avait mal, si elle avait réellement l’impression que cette douleur était anormale… elle me le dirait, j’en étais persuadé ou, au moins, je m’en persuadais, tandis qu’elle détachait ses jambes de mon bassin.

Je lui avais alors dit que je l’aimais, répondant aux paroles qu’elle avait précédemment formulées et, l’embrassant encore dans le cou, je souriais. J’aurais pu sourire comme un idiot, rien que parce que j’étais contre elle. Quand elle vint chercher un baiser, j’y répondis sans me poser de questions, la laissant même toucher mes côtes et les caresser, alors que je ne l’aurais peut-être pas laissée faire habituellement… En ce moment, le monde autour de nous aurait pu prendre feu et s’évanouir en un instant, je n’en aurais eu que faire tant qu’elle était avec moi et que nous en sortions saufs… j’oubliais le reste, je ne pensais qu’à elle. Qu’à nous.

Je vins caresser les épaules de Junho à plusieurs reprises tandis qu’elle collait son corps au mien une nouvelle fois. Je poussai un soupir lorsqu’elle bougea, car je n’aurais pu nier que je le sentais d’une manière totalement différente maintenant, et je finis d’ailleurs par comprendre que je ne pouvais pas aller plus loin désormais. Je me collai à elle, l’embrassant dans le cou et près de l’oreille, caressant ses cheveux d’une main, sa taille de l’autre, sans bouger pendant quelques longs instants ; je respirais plus vite, je la désirais, mais je pensais également que ce qu’elle ressentait ne devait pas être très agréable… alors je préférais attendre quelques instants, bien que je souhaite encore avancer avec elle.

Au bout de quelques longues secondes, si pas au bout d’une minute, je me redressai un peu, venant chercher ses lèvres pour un baiser assez passionné que j’approfondis bien rapidement avant de venir l’embrasser dans le cou. Au même moment, je fis un mouvement, très léger, mais perceptible, en venant contre elle en un petit soupir avant de l’embrasser près de l’oreille.

Beaucoup de monde aurait pu juger la relation que j’avais avec Junho. Certains auraient pensé que celle-ci n’avait aucun sens car, entre un membre du personnel et une élève, rien ne pouvait arriver. D’autres auraient trouvé la chose réellement cool, alors qu’en réalité c’était plutôt embarrassant et angoissant, cette idée de pouvoir être découvert à chaque mauvais pas. En fait, c’était bien plus complexe que l’on aurait pu le croire… En tout cas, j’étais persuadé de véritablement aimer Jun ; ce que je ressentais pour elle n’était pas strictement physique, ce n’était pas pour le simple fait de fréquenter une élève : je l’aimais réellement, bien plus que quiconque dans cette école, et j’en étais réellement convaincu. Aussi, j’avais moins de craintes à l’idée de passer à l’acte avec elle, chose qui était désormais … faite ? Y penser était quelque peu intimidant, même pour moi, car je n’étais pas réellement à mon aise en cet instant, et pourtant… je n’avais jamais été aussi heureux, cela depuis des années désormais.

La chaleur de sa peau, son souffle mêlé au mien, son odeur que je sentais à chaque seconde… c’étaient là des choses dont je n’aurais pu me passer en cet instant, et maintenant, il me serait encore plus difficile de ne plus penser à elle… Parfois, je m’y étais forcé, à cause du travail, mais ce n’était qu’au tout début ; maintenant, je me laissais penser à elle sans arrêt, même quand je n’aurais pas du, car j’avais envie d’avoir l’impression qu’elle était là, qu’elle me soutenait dans mon travail… Car même si j’adorais passer du temps à guérir mes patients, j’aimais encore plus le passer avec elle, à m’occuper d’elle ou à la serrer contre moi, tout simplement. Si elle venait à partir… je n’osais même pas imaginer comment tourneraient les choses de mon côté, et s’il lui arrivait malheur ? encore pire.

Jamais je n’avais été aussi proche de Junho… Jamais je n’avais vécu ce genre de choses jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi, après l’avoir nommée par son surnom fraîchement trouvé, j’avais gardé le silence durant quelques secondes, réfléchissant sans doute à diverses choses sans intérêt, tout en l’embrassant dans le cou à plusieurs reprises.

Finalement, je m’étais à nouveau hissé contre elle, l’entendant soupirer avec une certaine satisfaction, tandis que j’en faisais de même. Après quelques secondes, je me reculai très légèrement, la laissant m’embrasser dans le cou avant de prolonger son baiser tandis qu’elle caressait mes cheveux. Une fois de plus, je me hissai contre elle avec douceur, et refis ce mouvement plusieurs fois, à plusieurs reprises, restant serré contre elle tandis que je l’embrassais, alternant entre ses lèvres et son cou.

Quelque part, la situation était inconfortable. La chose en elle-même l’était. C’était, en fin de compte, notre première fois. Moi, je craignais sans cesse de la blesser, alors j’étais crispé, et elle, elle devait avoir mal… Je m’en voulais un peu, mais je tentais encore de ne pas y penser, et j’y arrivais plutôt bien, car le bonheur que je ressentais de l’avoir dans mes bras me permettait d’oublier en grande partie cette culpabilité. Je vins une nouvelle fois l’embrasser, restant cette fois contre elle sans me reculer, approfondissant et prolongeant le baiser tandis que je caressais ses cheveux et ses joues.

Mon souffle avait accéléré, et je devais bien avouer que je me sentais assez stupide, car j’avais conscience que mon endurance n’allait plus être très longue… C’était peut-être normal, car après tout nous n’avions jamais rien fait de ce genre… alors je me sentais bête de m’en vouloir car je n’allais pas pouvoir tenir longtemps, et peut-être n’allais-je pas pouvoir donner à Junho ce qu’elle attendait.

Au départ, nous étions venus là pour fêter l’anniversaire de Junho autour d’un repas, en privé, tous les deux. Jamais je n’aurais osé imaginer que les choses prendraient une tournure aussi sensuelle… Il était clair que cela allait arriver un jour, que nous allions nous rapprocher, nous désirer et nous offrir l’un à l’autre, mais je n’avais pas pensé que cela arriverait aussi rapidement, même s’il m’était déjà arrivé d’y songer… Je me rendais compte de la rapidité à laquelle nous avions décidé de franchir le pas, des risques que nous courrions en agissant ainsi, mais surtout du point auquel j’aimais Junho. Peut-être l’accident du philtre d’amour avait-il aidé les choses à arriver ? Peut-être cela nous avait-il encore plus rapproché, alors que nous parvenions à garder une distance élève/infirmier encore assez convenable en public ? Il était difficile de comprendre les choses qui nous avaient poussés à en arriver là, dans ce lit, mais je ne les regrettais absolument pas… J’étais heureux de désirer Junho, et encore plus d’être en elle en cet instant.

J’étais venu contre elle plusieurs fois, la chaleur de son corps me donnant encore plus chaud que ce que j’avais déjà, et je l’avais embrassée, écoutant avec un certain ravissement ce soupir si particulier qu’elle avait laissé échapper. J’aimais entendre ce son venir d’elle, car cela me donnait l’impression de lui faire du bien, même si j’ignorais de quelle nature était celui-ci ; la douleur, la satisfaction ? Je n’étais sans doute pas assez fin d’oreille pour parvenir à déterminer cela, ou alors était-ce parce que j’étais heureux d’être avec elle que je n’avais pas envie de découvrir ce qu’elle ressentait à ce niveau ? J’avais légèrement peur de lui faire mal, mais j’étais effrayé à l’idée que cela arrive réellement. Aussi avais-je évité de chercher plus loin, me contentant de continuer à embrasser son cou tout en me collant encore contre elle, sentant la pression de sa main en bas de mon dos.

Depuis quelques temps, j’avais du mal à imaginer ma vie sans Junho, sans cette rencontre qui avait tout changé, car il était clair à mes yeux que je ne serais plus de ce monde si elle n’avait pas été là ce soir là… Si elle ne m’avait pas interrompu, si elle n’était pas tombée… Cette impression, ce sentiment si fort qui la rendait essentielle à mes yeux, était renforcé par ce que nous vivions en cet instant ; la confirmation était là : je ne pouvais plus vivre sans elle, et peut-être l’avait-elle compris désormais… Je l’espérais réellement. Bien évidemment, si jamais elle souhaitait réellement partir, qu’elle venait à me détester, à ne plus m’aimer comme elle le faisait, je ne la retiendrais pas… c’était, en réalité, la seule chose dont j’étais sûr, car je n’arrivais pas à imaginer comment je me comporterais pour la suite…

Allongé contre elle, mon torse contre sa poitrine, je posai mes lèvres sur son cou une nouvelle fois, tout en reculant et venant vers elle à nouveau. Comme précédemment, je repris mes mouvements pendant quelques temps, avant de finalement sentir que je n’allais plus tenir bien longtemps. Les yeux fermés, je laissai parfois quelques bruits m’échapper lorsque je venais contre elle, continuant à caresser son côté et son visage alors que je venais chercher un baiser que j’approfondissais quelques instants plus tard.

Au bout d’un moment qui ne fut pas trop long, je sentis que j’arrivais à bout et, les yeux fermés, je laissai la chose arriver, un nouveau bruit m’échappant tandis que je m’approchais à nouveau pour l’embrasser. Je posai finalement ma tête contre elle, sur le côté. Ma respiration était assez chaotique, mais j’étais étrangement rassuré désormais… Je finis par me redresser un peu, me reculant d’elle réellement, avant de m’allonger sur elle à nouveau, reposant ma tête contre elle… En un soupir, je m’adressai à elle, mes lèvres non loin de son oreille.

« Je t’aime tellement. »Dis-je, les yeux fermés.

L’entendre affirmer qu’elle m’aimait encore plus m’arracha un large sourire. Peut-être nous aimions nous plus que nous pouvions l’imaginer. Il était vrai que j’en avais douté, au tout début, mais désormais, c’était bien plus qu’une impression, c’était une certitude : Junho et moi, nous nous aimions plus que bien d’autres couples… J’étais heureux de l’avoir compris, et cela me semblait encore plus vrai maintenant que nous avions partagé ensemble ce moment si particulier, si intime, si agréable malgré l’embarras qu’il nous avait causé. Je ne me posais plus la question, désormais, de savoir si elle m’aimait ou non, j’en avais oublié mes peurs de la voir partir avec un autre, l’espace de quelques instants, simplement parce que j’étais heureux, et que dans cette plénitude, il m’était difficile de trouver la moindre faille.

Être allongé là, contre elle, me rendait encore plus heureux, et la simple idée que, durant un moment, elle avait été mienne, venait accentuer ce sentiment de bonheur. Désormais, nous étions plus proches que jamais, et je ne pouvais penser qu’à elle. Je plongeai mon regard noisette dans le sien, observant son sourire que je trouvais si beau. Je posai finalement ma tête contre elle, les yeux fermés, sans cesser de sourire. Je pouvais entendre son cœur battre, et cette simple chose me fit sourire encore plus. Le mien aussi battait fort, rapidement, mais c’était tout à fait normal. D’ailleurs, je tentais de reprendre mon souffle, toujours allongé sur elle, alors que j’approchais mes lèvres de son cou pour y déposer quelques doux baisers.

J’aurais aimé lui demander si elle allait bien, maintenant que c’était terminé, si je ne lui avais pas fait trop de mal avec mes mouvements…mais je n’osais pas. En fait, j’avais peur qu’elle me dise qu’elle avait beaucoup souffert et que cela continuait encore. J’espérais que cela n’était pas le cas, mais il m’était assez difficile d’y croire, car si elle n’avait jamais rien fait, tout cela avait du être réellement nouveau pour elle, comme pour moi. Je l’embrassai donc plusieurs fois sur la gorge, venant chercher sa main de la mienne avant d’enlacer nos doigts avec douceur. Je n’aurais jamais pensé qu’une étreinte pourrait un jour avoir une telle douceur.

Mon corps collé tout contre le sien, je souriais encore. J’écoutais sa respiration, à laquelle la mienne semblait répondre de manière totalement chaotique, tandis que les secondes s’écoulaient. Je n’osais pas parler, de peur sans doute de rompre la barrière qui semblait nous séparer de la réalité. Il était vrai que j’avais totalement oublié l’endroit où nous étions, mais pas les raisons pour lesquelles c’était le cas.

Au bout d’un moment, je fis rouler Junho sur le côté afin de l’avoir allongée tout contre moi. Je souris légèrement, venant chercher ses lèvres pour un doux baiser, avant de me serrer à nouveau contre elle durant quelques secondes. Ensuite, je m’éloignai légèrement, la regardant dans les yeux en souriant. Je respirais un peu plus lentement, mais j’avais toujours aussi chaud, bien que cela ne me donne pas l’envie de m’éloigner d’elle, bien au contraire. Je vins alors saisir doucement entre mes doigts le pendentif qu’elle portait autour du cou, à savoir la petite fleur de lotus que je lui avais précédemment offerte.

Je gardai le silence durant quelques secondes, observant le pendentif, avant de poser un regard inquiet sur elle, l’accompagnant de cette question qui me brûlait les lèvres depuis un moment maintenant.

«Ca va ? Je veux dire… Tu…»

Je fermai les yeux quelques instants plus tard, et mes larmes commencèrent à couler tandis que je serrais ma petite amie contre moi avec un peu plus de force. Je l’embrassai dans le cou une fois avant de venir chercher un baiser contre ses lèvres, puis je vins coller mon front contre le sien, les larmes continuant à rouler sur mes joues. Je n’étais pas triste, bien au contraire, et cela se vit clairement lorsque je plongeai une nouvelle fois mon regard dans le sien, car un large sourire avait pris place sur mon visage pendant que je prononçais quelques paroles.

« Je suis tellement heureux Junho… »

Junho avait beau se dire mauvaise en magie, elle se trompait lourdement. Elle avait réussi là où de nombreux autres avaient échoué, là où les choses ne s’expliquaient pas et n’étaient pas dictées par la raison, mais par des forces inexpliquées. Durant toute ma scolarité, jusqu’à l’accident en réalité, j’avais souhaité être un sorcier capable de répandre le bonheur autour de moi, un homme qui pourrait réparer toutes les blessures et utiliser la magie à bon escient. Cependant, les choses m’en avaient empêché.

Alors que je pensais à cela, les évènements des jours précédents me revinrent en tête, notamment l’erreur de potion qu’avait faite Junho, celle qui l’avait menée à faire un philtre d’amour au lieu d’une toute autre potion, destinée à la rendre plus intelligente et d’autres choses que je n’avais pas comprises, et une seule chose me vint à l’esprit lorsque j’y songeai.

« Tu n’as besoin d’aucune potion pour me faire t’aimer Junho, tu es le seul philtre dont j’aie besoin.»

En y repensait, je me rendis compte que, alors que sa baguette avait toujours porté malheur à Junho, elle avait eu l’effet inverse pour moi. Si sa première blessure n’était jamais arrivée, sans doute ne nous serions nous jamais connus. Si elle n’était pas tombée, ce jour là, elle n’aurait pas pu me sauver… Je voulais qu’elle comprenne à quel point elle était importante pour moi, à quel point je l’aimais, à quel point je ne pouvais pas m’imaginer sans elle maintenant… Mais les mots ne suffisaient pas à exprimer mes sentiments et toute leur complexité, alors je devais me contenter de quelques mots, lorsque ceux-ci me passaient à l’esprit, dans l’espoir qu’elle les comprendrait…

« Aishiteru Jun-chan. » Avais-je finalement dit, usant de ma langue natale.

J’avais envie de le lui dire ainsi, car alors qu’en anglais, une seule formule m’avait été apprise, la japonaise exprimait une grande profondeur de sentiment, voire même une conviction. Rares étaient les fois où, pour de vrai, ces mots étaient prononcés… Ils ne se disaient pas à la légère, et je n’avais jamais autant eu envie de les dire à quelqu’un. Après quelques secondes, je vins chercher un nouveau baiser que j’approfondis au bout d’un moment, caressant sa joue d’une main, tandis que quelques larmes continuaient à couler sur mes joues.

Il avait suffi d’une simple question que je n’arrivais pas à poser, de la simple idée que j’aurais pu lui faire mal, pour me faire fondre en larme. Cela et l’idée que jamais encore je n’avais été aussi heureux étaient les deux raisons pour lesquelles j’avais commencé à verser quelques larmes, serrant Junho contre moi et l’embrassant à nouveau pour lui montrer à quel point je l’aimais.

Dans le fond, j’étais réellement timide. Je l’avais toujours été, raison pour laquelle je n’avais jamais osé avouer mes sentiments à Mika, par le passé. Désormais, je perdais cette timidité avec Junho, du moins je tentais de le faire, mais celle-ci refaisait surface lorsque je venais à partager des moments plus intimes avec elle… Et une simple étreinte suffisait à me mettre mal à l’aise, au début, alors il était facile d’imaginer à quel point j’étais embarrassé maintenant. Heureusement, j’étais tellement heureux que je n’y pensais plus, mais mes joues demeuraient légèrement rose, cela à chaque fois que je posais mon regard sur Junho, dont je n’osais pas regarder le corps, ne serait-ce que par décence et par crainte de la mettre mal à l’aise.

Je m’en voulais de pleurer dans un tel instant, cela me semblait tellement inadéquat ! J’aimais tellement Junho, j’aurais voulu qu’elle soit heureuse, que nous soyons heureux, et tout ce que j’arrivais à faire après avoir partagé un moment aussi particulier avec elle, c’était me mettre à pleurer comme un enfant. Sans doute n’avais-je simplement pas réalisé le point auquel je l’aimais… Pourtant, il m’avait semblé l’aimer aussi fort que possible, mais visiblement c’était bien plus que cela.

À l’entente de ses excuses, suite à mon compliment détourné, je souris un peu, caressant ses cheveux d’une main tandis qu’elle collait son front contre mon épaule. Je ne voulais pas de ses excuses, car elle n’avait strictement rien fait de mal, du moins à mon avis. Je n’aurais pas pu lui en vouloir d’avoir souhaité être mieux que ce qu’elle pensait être, car j’avais moi-même souhaité être meilleur, pendant une longue période de ma vie, mais je n’avais pas envie qu’elle tente de changer… J’avais peur qu’elle finisse par se lasser de moi et par me quitter, car elle me semblait déjà trop bien par rapport à moi…
Dire que nous pensions chacun ces bêtises et que nous étions incapable de nous en rendre compte.

J’étais heureux qu’elle me réponde dans ma langue, bien que cela ne soit pas la sienne, car j’avais l’impression qu’elle souhaitait me faire plaisir. Moi aussi, j’avais envie de faire son bonheur, de la rendre heureuse que n’importe quelle manière qui soit, mais j’avais du mal à cerner le meilleur moyen de le faire… de toute façon, cela ne semblait plus être le moment, car je sentais désormais la fatigue me venir lentement ; cela devait être normal, en fait, car j’avais beaucoup travaillé ce soir, et durant la journée également… sans compter ce que nous venions de faire. Aussi, je l’avais embrassée pendant un moment, plongeant mon regard dans le sien entre deux baisers.

Lorsque je sentis que la fatigue me gagnait réellement, je serrai Junho un peu plus contre moi, l’embrassant une dernière fois avant de la serrer contre moi, ma tête contre l’un des oreillers. Je m’étais relevé, un instant plus tard, afin de ramener une couverture sur nous, pour éviter que nous prenions froid. Je la repris alors contre moi, lui murmurant une nouvelle fois que je l’aimais, à l’oreille, tout juste assez fort pour qu’elle l’entende clairement, et je me laissai sombrer dans le sommeil, caressant la chevelure de Junho jusqu’à m’endormir complètement.

Malgré toutes les personnes que j’avais pu rencontrer au cours de ma vie, toutes celles qui avaient en vain tenté de me ramener à une existence plus ou moins normale, moins dictée par mon passé que par mes désirs d’avenir, ceux que j’avais lorsque j’étais jeune, je n’avais jamais pu y parvenir jusqu’à ma rencontre avec Junho. Ce qui était un pur hasard, une maladresse de ma part ou un secret de son côté, avait fait changer ma vie du tout au tout et cela expliquait peut-être pour quelles raisons je n’aurais jamais voulu qu’elle change, ou du moins pas qu’elle change pour moi. Si un changement devait s’opérer, je voulais que cela soit pour elle, parce que cela lui faisait plaisir ou parce qu’elle en ressentait le besoin, pas parce que son petit ami aurait pu le vouloir… J’avais parfois l’impression qu’elle était du genre à avoir ces idées étranges, car elles l’étaient, moi je l’aimais tout simplement, et les artifices n’étaient pas utiles à mes yeux.

Si elle avait été comme toutes les filles de son âge, sans doute aurait-elle passé son chemin. Peut-être même ne l’aurais-je jamais remarquée. Si elle avait été semblable aux autres, peut-être que rien de tout ce qui s’était passé ne serait arrivé, et peut-être que j’aurais péri d’une manière que tout le monde aurait voulu oublier. Cependant, grâce à sa différence, grâce à celle qu’elle était, avec ses qualités, mais également avec ses défauts, comme par exemple sa maladresse parfois excessive, elle m’avait sauvé la vie, et m’y avait fait reprendre goût. Parfois, je me demandais si elle comprenait à quel point elle était importante, et à quel point mes chances d’être là aujourd’hui auraient été minces si elle n’était pas tombée et n’avait pas décidé de venir voir à l’infirmerie…

Quand je sombrai dans le sommeil, serré contre Junho, dont je caressais encore les cheveux, je ne pensais plus réellement à ces choses ; je pensais juste à elle, au point auquel je l’aimais, mais les détails sombres de ma vie étaient comme soudainement oubliés. Elle était le meilleur des remèdes à ce qui m’avait toujours rongé et, désormais, je me sentais tellement bien avec elle que j’aurais pu passer des nuits entières à la serrer contre moi. Ma timidité, doucement, avait disparu, pour laisser place à ce sentiment de bien être que je ressentais, alors que sa peau était contre la mienne.

Cette nuit fut calme, comme j’aurais pu m’y attendre ; je ne fis aucun cauchemar, comme si Junho m’en avait empêché, et mes seules pensées furent tournées vers elle. Elle et elle seule. C’était un peu comme si nous étions seuls, isolés du monde à jamais ; comme si tout avait été anéanti, le passé y compris ; je ne pensais plus à ce qui m’était arrivé, mais juste à ce qui pourrait m’arriver avec elle.

J’ouvris les yeux le matin venu -ou du moins j’estimais que c’était le matin, car je ne pouvais savoir quelle heure il était en cet instant, et j’aurais même voulu ne jamais le savoir, et je remarquai que Junho était toujours contre moi. Je n’avais pas du me réveiller durant mon sommeil, car je n’avais pas bougé et n’avais aucun souvenir de ma nuit. Je souris un peu en voyant ma petite amie dans mes bras et, tendrement, je vins la serrer contre moi en posant ma tête sur son épaule. Je ne savais pas depuis combien de temps elle était réveillée, mais ma mine encore ensommeillée prouvait que je ne l’étais que depuis quelques secondes. Souriant toujours, je lui adressai à quelques paroles à l’oreille en une simple question.

« Tu as bien dormi ? »

Je me détachai un peu d’elle pour la regarder dans les yeux, ce sourire ne quittant pas mon visage.

La retrouver avec moi à mon réveil, c’était simplement quelque chose de magique à mes yeux. Certes, c’était déjà arrivé, mais pas dans ces circonstances, pas après de tels évènements, pas dans… une telle tenue. J’avais un peu l’impression de réaliser que le rêve n’en était pas un, de voir enfin que nous étions dans la réalité et que j’avais réellement vécu les évènements de ces derniers mois… C’était troublant, mais cela me rendait terriblement heureux.

Quelques secondes après cette simple question, je vins poser mes lèvres sur les siennes en un léger baiser, souriant à nouveau par la suite.

Mon réveil n’avait strictement rien d’habituel. Me lever aux côtés de Junho, la serrer contre moi et profiter de son odeur et de sa chaleur, cela tenait du rêve. Je lui avais, après quelques instants, demandé si elle avait bien dormi ; j’osais espérer que oui, car j’aurais été bien attristé du contraire… Heureusement, sa réponse fut aussi positive que je l’espérais, et elle me retournait la question peu avant que je l’embrasse et qu’elle se serre contre moi.

« J’ai très bien dormi, ne t’en fais pas. »lui dis-je en souriant.

Il était clair que ma nuit avait été exceptionnelle et que rares étaient les personnes qui me permettaient de me sentir aussi heureux et apaisé. J’avais profité des bras de ma petite amie et de sa présence durant toute une soirée, toute une nuit… c’était le paradis à mes yeux et rien n’aurait pu me faire passer une mauvaise nuit à partir du moment où je me sentais aussi empli de bonheur.

Je la laissai se serrer contre moi, appréciant le contact de son corps contre le mien, fermant les yeux pour mieux profiter ce cet instant, et je souris à nouveau en entendant Junho me demander si je devais aller travailler. Je réfléchis à la question durant un instant, puis me dis que non. De toute façon, même si cela avait été le cas, je n’aurais pas voulu y aller, car j’étais trop bien là, avec Junho contre moi, et mettre fin à ce moment entre nous aurais été un véritable sacrilège. J’avais besoin de sa présence, j’en avais envie, alors me lever directement, m’habiller et partir comme un voleur pour aller travailler aurait été… une honte ? J’avais fermé les yeux et secoué la tête une fois que j’avais pris ma décision ; il n’était pas question que je parte maintenant.

« Non, je ne dois pas. Je vais aller le couper, d’accord ? »Dis-je en me redressant après un baise.

Je partis ensuite à la recherche de mon sous-vêtement pour l’enfiler avant d’aller couper le gâteau que j’avais rangé la veille pour ne pas qu’il soit mauvais aujourd’hui. Je coupai quelques parts en pensant à de nombreuses choses, notamment à Junho que j’aimais énormément et avec qui je venais de passer… peut-être la meilleure nuit de ma vie.

Ma plus grande crainte en cet instant était de voir ce moment se terminer. Bientôt, nous devrions retrouver le contact avec le monde extérieur, accepter leur regard et ne plus s’afficher comme nous l’aurions voulu. Nous serions obligés de nous cacher et nous ignorerions jusqu’à quand nous devrions nous passer de l’autre pendant nos nuits… Cette simple pensée me faisait de la peine, car j’aurais souhaité passer toutes mes nuits avec Junho. C’était impossible.

J’espérais que Junho aimerait le gâteau, mais j’avais peur que ça ne soit pas son préféré, car après tout c’était une préparation maison, alors ce n’était peut-être pas très bien… Je souris un peu, fermant les yeux en regardant les parts que j’avais posées sur deux petites assiettes, avant de revenir sur mes pas, m’asseyant sur le lit avant d’y poser doucement les deux assiettes sur lesquelles on pouvait clairement voir des fruits rouges et de très fines lamelles d’orange.

Je n’avais pas pensé à Junho et au regard qu’elle aurait pu porter sur mon corps lorsque j’étais allé chercher mon sous-vêtement. Pourtant, si j’avais réalisé cela, j’aurais été bien plus gêné et j’aurais tenu à ce qu’elle détourne le regard avant même que je me lève, simplement parce que le complexe que j’avais par rapport à mon corps était incroyablement grand. J’étais gêné, embarrassé, embêté, toutes les choses possibles, à la simple idée que je serais peut-être déplaisant. Bizarrement, je n’y pensais pas lorsque je serrais Junho contre moi, même si j’étais totalement nu, car j’étais trop heureux pour le faire.

Un peu plus tard, j’étais revenu vers elle avec les parts de gâteau, constatant en un sourire qu’elle semblait aussi pudique que moi, ce qui ne me dérangeait absolument pas. Je laissai d’ailleurs mon sourire s’agrandir tandis que je posais sa part devant elle et, quand elle prit l’assiette, je ne m’attendais pas à ce qu’elle me la tende. Je posai alors mon regard sur elle, cherchant à savoir ce qu’elle voulait jusqu’au moment où elle m’adressa la parole, me demandant d’enlever l’orange qui se trouvait sur le haut du gâteau, et qui ne jouait que le rôle de décoration.

Je considérai cette demande comme un pas en avant dans ma relation avec elle : j’apprenais une chose de plus sur ma petite amie, à savoir qu’elle semblait ne pas aimer l’orange. Je hochai la tête en un sourire, bien que je me sente un peu stupide de ne pas m’être renseigné avant, et je retirai du haut les quelques morceaux d’orange qui y étaient posés, les plaçant dans mon assiette, uns à uns, jusqu’à ce que le gâteau de Junho n’en comprenne plus un morceau. Je lui souris ensuite à nouveau, lui rendant le gâteau avant de m’excuser.

« Désolé, je ne savais pas que tu n’aimais pas, je n’en mettrai plus. »

Une autre chose m’avait marqué dans ses paroles, le surnom qu’elle m’avait donné. Je n’avais jamais été habitué à ce genre de choses, et je me doutais qu’elle avait du me nommer d’une telle façon dans l’espoir de ne pas me vexer avec cette histoire d’orange, mais cela me touchait un peu. Je trouvais cela… tellement mignon ? Pourtant, je n’étais pas la mignonitude incarnée, au contraire d’elle qui, à chaque fois, me paraissait charmante, adorable et mignonne, même dans sa maladresse. Junho était tellement tout pour moi que j’aurais pu refaire un gâteau entier sur l’instant si elle me l’avait demandé, rien que pour qu’il lui plaise… En fait, je me rendais compte du point auquel j’étais prêt à faire des choses pour elle, quitte à m’oublier moi-même.

Je lui souris à nouveau, me penchant un peu vers elle pour l’embrasser durant quelques secondes avant de la laisser tranquille, histoire que nous puissions manger nos parts de gâteau. Je m’en voulais un peu de ne pas avoir été au courant d’une chose aussi simple que celle-là ; aussi, je me dépêchai de manger les morceaux d’orange pour qu’ils disparaissent, sans pour autant le faire d’une manière barbare et inélégante, car ça n’aurait pas été vraiment malin. J’espérais réellement qu’elle trouverait mon gâteau bon, au moins un peu. Une chance, je n’avais pas mis d’orange à l’intérieur…

Lorsque je dis à Junho que j'ignorais qu'elle n'aimait pas l'orange, j'étais terriblement sincère. En fait, cette simple idée ne m'avait même pas traversé l'esprit alors que j'aurais du me demander si ma petite amie aimait ou non les fruits que je comptais poser sur ma préparation. D'un autre côté, il était assez difficile de placer ce genre de question dans une conversation de tous les jours sans avoir l'air suspect. Je ne m'étais pas imaginé lui demander si elle aimait les oranges, comme ça, au détour d'un couloir, car cela aurait pu lui sembler bizarre, mais également paraître louche aux autres élèves, ceux qui ne devaient absolument pas être mis au courant de notre relation.

Presque docilement, j'avais retiré les morceaux d'orange qui se trouvaient sur le gâteau avant de lui rendre sa part, m'excusant de ne pas avoir été plus regardant à ce sujet. Si ce genre d'erreur m'avait fait la perdre, je ne me le serais jamais pardonné. C'était peut-être stupide pour une relation aussi récente, mais j'avais déjà l'impression que la perdre serait une terrible épreuve. Elle avait tellement fait pour moi jusqu'à aujourd'hui...

Une chance, Junho ne semblait pas m'en vouloir, me le faisant d'ailleurs comprendre en quelques mots. Je me sentis d'ailleurs stupide une fois qu'elle eut parlé, car elle avait raison: je ne pouvais pas être au courant de cela sans qu'elle me l'ait dit plutôt. Une fois de plus, je m'en voulais pour des raisons qui n'étaient pas les bonnes. Qu'y pouvais-je si j'avais peur de la décevoir et de la rendre triste? Rien du tout. Je devais simplement faire mon possible et, si je me trompais, essayer de rectifier mes erreurs et les retenir pour ne plus les faire par la suite.

« Quand même, la prochaine fois je ne me tromperai plus. »

Car oui, j'étais persuadé qu'il y aurait une prochaine fois. Cette année ne serait pas la seule que je passerais avec Junho, et encore moins la dernière. J'avais beau tenter de me raisonner et de me dire de ne pas trop espérer, avoir peur de la voir partir ou d'autres choses, je ne parvenais pas à imaginer ma vie sans Junho. Elle était ma petite amie et je voulais qu'elle le reste encore longtemps.

Un sourire se dessina sur mon visage lorsque ma petite amie leva les yeux vers moi, quelques secondes après qu'elle ait mangé un morceau du gâteau. Je ris un peu à l'entente de ses paroles, y répondant sur le même ton.

« 5 ans d'études pour parvenir enlever les morceaux d'orange ainsi. Si si. »

Je ris de plus belle, portant également un morceau de gâteau à mes lèvres avant de le manger, reprenant ensuite, plus sérieusement.

« Je suis heureux si il te plait. »

Je mangeai ainsi plusieurs cuillerées de gâteau et, une fois ma part terminée, je reposai la cuillière sur l'assiette et poussai un profond soupir: il allait être l'heure de quitter cette pièce... Mais je n'avais vraiment pas envie de partir. J'aurais voulu garder Junho contre moi pendant des heures encore, ne pas aller travailler et la garder dans mes bras, mais je ne pouvais pas. Je posai alors mon regard sur elle, sans un mot, et je lui souris, l'observant en train de manger son gâteau.

Je n’avais pas envie d’aller travailler maintenant. J’aurais voulu passer la journée entière avec Junho dans cette pièce, totalement coupé du monde extérieur… C’était étrange, car je ne cessais de me dire que j’avais failli ne jamais la connaître. Si j’avais fait l’idiot plus longtemps, si j’avais agi d’une manière stupide, sans réellement réfléchir à ce que je faisais, sans réaliser à quel point j’étais en train de ruiner ma vie, sans doute n’aurait-on jamais vécu ce moment que nous avions partagé la veille…sans doute n’aurions-nous rien vécu de tout ce que nous avions connu depuis que nous étions ensemble, ou même depuis notre rencontre. C’était étrange, mais cruellement vrai. Si ma tentative n’avait pas échoué, si cela n’avait pas été le cas de la précédente également, je n’aurais jamais eu la chance de rencontrer la seule personne qui avait été capable de me faire oublier ce que j’avais si longtemps ressenti… certes, ces horreurs restaient là, dans mon esprit, tapies comme des bêtes à l’affut, mais je n’y pensais pas quand j’étais avec ma petite amie, je n’y pensais plus.

Aussi, je fus heureux de savoir qu’elle appréciait le gâteau que j’avais préparé avec tant d’application. Il ne fallait pas oublier que, pour que son anniversaire de majorité soit digne de ce nom, j’avais mis les petits plats dans les grands. Jamais encore je ne m’étais appliqué autant dans une activité, si ce n’était dans mon métier, et encore. J’avais vraiment eu envie que Junho soit fière de moi, qu’elle apprécie le cadeau que je lui faisais en cuisinant ces choses du mieux que je le pouvais… j’avais tellement eu envie qu’elle ressente mes efforts et ce que j’avais voulu faire pour lui faire plaisir. Pour moi, c’était un véritable soulagement que de savoir qu’elle pensait que je cuisinais bien. Je souris largement lorsqu’elle me fit ce compliment, la remerciant grandement.

Tant j’étais absorbé par Junho, je n’avais pas remarqué qu’elle avait surpris mon regard. Je ne le fis qu’au moment où son regard croisa le mien et que je la vis rougir. Mon sourire s’agrandit un peu plus à sa vue et je la laissai terminer son gâteau en regardant ailleurs. Quelques instants plus tard, lorsqu’elle eut terminé sa part et posé son assiette sur la mienne, je la laissai venir se serrer contre moi, la gardant un peu plus contre moi à mon tour tandis que je venais l’embrasser avec tendresse, approfondissant ce baiser quelques instants plus tard.

La simple idée de devoir bientôt quitter la pièce me rendait triste. Depuis la veille au soir, nous nous étions encore rapprochés, et me séparer d’elle allait être encore plus difficile que ça ne l’était déjà. Néanmoins, je savais que cette absence renforcerait la joie de la revoir la fois suivante, du moins j’osais l’espérer. Je souris à Junho après avoir rompu notre baiser, quelques secondes plus tard et, finalement, me décidai à lui adresser quelques mots qui ne m’enchantaient guère, et cela s’entendait au timbre de ma voix, qui s’était fait légèrement plus triste.

« Il va falloir qu’on y aille. »

Je poussai un petit soupir avant de l’embrasser sur la joue avec douceur, me redressant avec de nombreuses difficultés… de volonté. Je lui adressai ensuite un petit soupir, récupérant mes vêtements que je rassemblai avant de prendre la tenue que j’avais emportée avant de me changer dans la salle, histoire de ne pas paraître trop suspect au yeux des autres élèves, et je l’enfilai. Je jetai ensuite un regard aux choses que j’avais emmenées avec moi dans la salle : il me suffirait de faire quelques voyages entre la salle et ma chambre pour transporter le nécessaire, le reste appartenait à cette salle et à sa magie, alors je n’avais pas de problème. Il n’y avait pratiquement plus rien à moi en ces lieux. Je m’approchai finalement de Junho qui s’était également rhabillée, et lui  saisis la main, l’embrassant tendrement avant de m’adresser à elle sans la lâcher.

« Fais attention à toi. Je t’aime. »

Quelques instants plus tard, je quittai la pièce, espérant qu’elle n’aurait pas trop de problèmes à en faire de même sans trop se faire repérer par les surveillants et les autres élèves, et je regagnai l’infirmerie afin de commencer mon travail, comme chaque fois…